Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
 198                      DE L'INSTITUTION DU JUGE.

 tendre une main fraternelle à celui dont l'activité limite sa propre ac-
 tivité.
    « Un rameau, dit/Marc-Aurèle, ne peut être enlevé au rameau q«'
 « le touche, sans être arraché de l'arbre entier, un homme ne peut
 « ainsi se séparer d'un autre homme, sans se séparer de tout le
 « genre humain. »
    À défaut de cet enchaînement sympathique et de cette loi morale de
 conciliation, le suprême Régulateur a encore déposé, comme frein,
 dans l'intelligence humaine, la logique d'une prudence utile, qui l'a'
 vertit que la force d'aujourd'hui peut se changer, demain, en faiblesse,
et que le vainqueur de la veille peut être le vaincu du lendemain.
    Ainsi, le droit est la limite de la liberté de chacun. Il a pourlumièref
 comme loi morale, la révélation du juste par la conscience ; et, comme
 base humaine, l'utile, ce calcul de l'intérêt personnel par la raison, cal-
 cul épuré et tempéré par la sympathie.
    Kant définit ainsi le droit : l'ensemble des conditions sous lesquelles
l'arbitre de l'un peut se concilier avec l'arbitre de l'autre. Est juste,
selon le penseur allemand, toute action qui n'est point un obstacle à
l'accord de la liberté de l'arbitre de tous avec la liberté de chacun.
    Le droit a pour force et pour sanction la fraternité, qui est le lien
social à l'état de sentiment, et la solidarité, qui en est l'expression ma-
térielle à l'état d'intérêt.
   Ces deux mobiles, doués d'une égale puissance de cohésion, solli-
citent chaque membre à assurer dans autrui sa propre liberté, son
propre droit. Aussi, la force individuelle succomberait-elle bientôt
dans son empiétement inique, devant la force sociale soulevée pouf
imposer la paix et le droit.
   Mais, qui révélera le juste ?
   Qui plantera la limite du droit dans Yager publiais ?
   On peut déduire de l'état social trois modes de dire le droit, d'ins-
tituer l'interprète de la loi :
    1° Afin d'éviter la lutte de la force, l'individu peut se départir de se-0
droit absolu, et composer avec son adversaire.
   C'est la reconnaissance du droit rival; c'est l'accord ou la transac-
tion volontaire ;
   2° Ou bien le prétendant et le lésé peuvent s'en remettre, pourpre
noncer sur le différend, à un membre de la société, devant la sagesse
duquel les rivalités s'inclinent et désarment.
    C'est l'arbitrage ou le choix du juge privé ;