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144 DES TENDANCES SOCIALISTES demander. Comment donc arrangez-vous l'avenir de notre marché ? » Non, Monsieur, je n'ai jamais dit et je n'ai jamais pensé que nous ne fussions propres, nj à l'industrie ni à l'agriculture, et que nous n'aurions rien à offrir aux étrangers. J'ai toujours pensé au contraire que nos industriels et nos agriculteurs défieraient la concurrence étrangère, surtout si MM. les protectionistes ne les forçaient pas à leur payer un impôt si onéreux. Ma conviction est formée depuis long- temps à cet égard. Je ne veux pas réfuter la vôtre ; je veux seulement vous indiquer à quelle source j'ai puisé la mienne. Ouvrez le tableau officiel du commerce de la France avec les puissances étrangères, et vous verrez que, de 1840 à 1845, l'Angleterre a importé en France, en produits anglais destinés à la consommation française, une valeur de 84 millions par année en moyenne. Tandis que la France, pendant le même temps, a livré à la consommation anglaise pour 98 millions de produits français par année. J'ai cité seulement notre commerce avec l'Angleterre, parce que c'est toujours cette nation qu'on nous présente comme un épouvantait, quand on nous dit : qu'aurez-vous donc à offrir aux étrangers ? quand vous aurez médité ces chiffres, j'espère que vous aurez moins d'inquiétude sur l'avenir du marché français, et que nous ne serons pas pour nos fournisseurs des consom- mateurs insolvables. Mais, quelle préoccupation a pu vous dicter cette phrase? « Nous aurons d'autant moins à leur offrir que nous aurons plus à leur de- mander. » Que veut-elle dire ? De deux choses l'une : ou les peuples étrangers vous vendront leurs produits et ils recevront vos produits en retour ; et alors, qu'avez-vous à craindre ? ou ils vous donneront leurs produits gratis, et alors,qu'avez-vous à perdre? Je ne veux pas revenir sur votre assimilation de l'Etat avec le père de famille, des industries protégées avec les fils de la maison. Ces res- semblances m'ont toujours paru entachées de mièvrerie. Les compa- raisons sont bonnes quand on décrit, non quand on discute. L'Etat a un devoir d'équité à remplir envers des citoyens, il n'a pas de ca- prices et de préférences à satisfaire envers des enfants. Quand donc, vous ajoutez, en prolongeant sur votre dissertation l'ombre poétique et incertaine de vos comparaisons, que, puisqu'une famille ne renonce pas à faire de son fils un médecin, un mathématicien ou un avocat, parce qu'il y a des Bichat,des Laplace ou des Monge,dcs Sauzct ou des Berryer, l'Etat ne doit pas renoncer à créer, à protéger des industries, lors même qu'elles devraient rester à un rang secondaire, c'est-à -dire coûter pins qu'elles ne rendent ; moi, je réponds, Monsieur, que votre