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138                   DES TENDANCES SOCIALISTES
 pouvoirs sans limites, prélèvent l'impôt et le distribuent comme il»
 l'entendent. Je suis précisément frappé du spectacle contraire. Et je
 crois pouvoir affirmer/que ces institutions sont le plus développées,
 précisément chez les nations où l'État a le plus restreint le' cercle de
 ses attributions. Même en France, est-ce l'État qui est accoutumé à
 prendre l'initiative de toutes les améliorations apportées à ce qu'on
 appelle la bienfaisance publique ? Ne prenons que Lyon pour exemple,
 est-ce l'État ou les particuliers qui ont créé l'école de la Martinière,
 les hospices, les salles d'asiles, les maisons de refuge, etc. L'État a-
 l-il seulement pris l'initiative de la caisse de secours mutuels pour
les ouvriers en soie ? Non, Monsieur, c'est précisément notre Chambre
 du commerce. Et ce résultat ne doit étonner personne. Quand l'État
 a la prétention d'être tout, il faut bien que les citoyens se résignent à
n'être rien. Plus vous augmentez les devoirs de l'État, plus vous di-
 minuez les devoirs des citoyens.
    Vous dites avec une haute raison : > Le socialisme des partis sers
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 un élément de progrès et non de désordre, dès qu'ils auront renoncé
solennellement, et pour toujours, à l'emploi de la force. Qu'ils propo-
sent, qu'ils discutent, et que la nation juge (à qui donc cela fera-t-il
peur) ? » J'ai toujours partagé cette opinion, et je l'ai exprimée dans
l'écrit qui a donné lieu à notre controverse. Mais je pense que le meil-
leur moyen de les désarmer, de les déterminer à renoncer solennelle'
ment et pour toujours à l'emploi de la Jorce contre le gouvernement,
c'est de circonscrire l'action, l'omnipotence de celui-ci, et de le ra-
mener dans ses limites naturelles. Quand l'autorité n'abusera plus de
ses attributions, soyez sûr qu'elle sera moins ambitionnée. Quand il
sera établi que le gouvernement n'a pas à fixer des heures de travail,
à protéger des catégories de producteurs, à tarifer des salaires, à ac-
corder la gratuité du crédit, à prélever et à dépenser des impôts sans
être guidé par un principe absolu, à distribuer des places par milliers,
etc., les convoitises des partis seront moins irritées , et leurs agres-
sions seront moins à craindre : n'en cloutez pas. A quoi servirait 1»
possession d'une autorité limitée par la loi, par la pratique, par la
Iradition, par l'esprit public ? C'est moins la faculté de faire le bien,
elle devoir d'être juste, qui excitent l'ambition, que la faculté d'abuser
du pouvoir. Une autorité limitée a moins de chances de provoquer
la haine et de tenter la cupidité. On ne conspire pas contre les gou-
vernements à attributions restreintes: voyez la Suisse, les États-Uni?-
et l'Angleterre.