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COUP-D'OEIT. SUR L'ALGÉIUK. 129 sur la mer, l'Arabe assis sur son chameau comme sur une tour mou- vante, apportant sur les marchés d'Alger les fruits de l'Atlas ; ou le Maure, aux formes géantes, écrasant de son poids et de sa largeur un «hétif bouricaud... Suivez ces files de chameaux qui retournent aux tentes de l'Arabe... Traversez cette vaste plaine de la Mitidja, pleine de marais infects et de champs de lauriers roses. Traversez El-Biar (les puits), vallons frais, ombreux ; Birkadem fie puits de la Négresse], °ù s'élève chargée de sentences du Koran, une fontaine aux vastes bassins de pierre ; Birmandrés fie puits du chej), noms charmants, et lui font souvenir du désert où l'Arabe altéré cherche comme la vie une goutte d'eau pure ; Douera,née comme par enchantement au milieu de 'a plaine inculte et solitaire ; Banffarik, à égale distance du Sahel et de l'Atlas,| au milieu des marais, devenu d'un caravansérail arabe une ville solidement bâtie, populeuse, et en large voie de prospérité ; les arbres y prennent de magnifiques proportions. Dirigées par le génie de l'homme, ces eaux qui tuent deviendront des sources de vie. Après douze à quinze lieues de plaine, vous voyez blanchir, au pied du sombre Atlas, au milieu de ses forêts d'orangers, Blidah, la ville vo- luptueuse, la Corinthe africaine... Bombardée par notre armée, dont elle est un des beaux souvenirs de gloire, il ne reste plus de l'an- cienne ville que quelques pans de murailles et sa mosquée trans- formée en église chrétienne. Ses constructions sont toutes modernes, toutes françaises. Cependant, c'est encore par de petites rues étroites, où s'ouvrent des cabanes et des cafés mauresques, où s'échelonnent, le chapelet à la main, des pauvres bédouins, récitant les 99 perfections d'Allah, qu'on arrive à la place du marché tout bigarré d'Arabes en haillons, de chameaux, de dromadaires, et où s'étalent les riches pro- ductions des montagnes ; nos fruits européens, nos légumes s'y trou- vent presque tous. L'Arabe aime l'argent ; il fera vingt lieues sur son chameau pour apporter à la ville quelques œufs dans le capuchon de son burnous ou le lait de sa chamelle, conservé dans une outre de peau. 11 est avide fit défiant. Robuste, sobre, ne connaissant aucun des besoins de notre vie civilisée, trouvant .abondamment sa nourriture dans le lait de son troupeau et les fruits de son jardin ; cet argent qu'il rapporte sous sa tente, il le cache dans la terre et n'y touchera jamais. Peut-être espère-t-il que la guerre sainte fera lever encore les tribus soumises, et que ce trésor enfoui servira aux besoins de sa cause ou bien à sa pro- pre famille, si sa nation redevenait maîtresse du sol africain. C'est là , aux portes du désert, sous sa tente nomade, qu'il faut étu-