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              LE        DÉPART.

                     A MADAME




Je pars ; je vais savoir si, dans la solitude,
Je pourrai de mon cœur fixer l'inquiétude ;
Si mon âme, docile à la commune loi,
Pourra trouver le calme et l'oubli loin de toi.
Le Travail qui, pour moi, conserve un front sévère,
Voyant mou foyer vide et mon cœur solitaire,
De son ingrat ami peut-être aura pitié,
Et viendra renouer notre ancienne amitié.
Adieu donc ! J'irai voir, sur les rives du Tibre,
La cendre qu'ici-bas peut faire un peuple libre ;
Rhodes, deux fois fameux par la gloire et l'amour,
Où la Chevalerie a vu son dernier jour,
Et la cité des arts, la fille de Minerve,
Dont le sang, aujourd'hui, dans la honte s'énerve ;
L'apostate Byzance, à l'ombre du Croissant,
Souillant son pied royal dans la boue et le sang ;
Enfin Jérusalem, reine découronnée,
Ployant sous la douleur sa tête condamnée :
Je veux aller si loin, que je rencontrerai
Peut-être ce repos si longtemps désiré.

Mais, hélas' ! je caresse une espérance vaine.
Je fatigue mon bras à secouer ma chaîne ;
Et, pour reconquérir un peu de liberté,
 En efforts impuissants j'use ma volonté.
Quand j'aurai, dans la lutte, épuisé ma constance,
Contre l'amour vainqueur je serai sans défense.
Et je regretterai peut-être au fond du cœur
Tous ces jours de combat perdus pour le bonheur.