Revue de Lyon » n°1 ( 1849-1850 ) » pp.075

                   DE LA RESPONSABILITÉ SOCIALE.                      7à
Pied. On dirait qu'elle ne sait plus avec quoi se faire des idoles. Si un
de ces capitaines descend dans la tombe, on la voit, penchée sur cette
tombe, peser la cendre qu'elle contient, en s'écriant: C'est peut-être
celui-là qui m'aurait sauvée !
    Non, personne ne nous sauvera que nous-mêmes. Le salut n'est pas
hors de nous, il est dans nous, dans notre raison, dans notre volonté,
dans notre sagesse, dans les institutions que nous saurons nous
donner.
    Voilà à peu près un demi-siècle que la France a été admise dans une
certaine mesure à faire elle-même ses affaires ; s'en est-elle trouvée
P'us mal ?A-t-elle à se repentir d'avoir exigé qu'il fût tenu compte de
s
  a raison et de sa volonté, dans la formation des lois et dans la consti-
tution du pouvoir ?
    Ou répète à tout moment cette phrase : La France est maîtresse de
sa
    destinée : mais si cette phrase a un sens, elle signifie apparemment
We nous devons être nos propres sauveurs, et non pas passer notre
 temps à en chercher.
    Au surplus, voyez le cas que vous faites de vos grands hommes, de
 ceux qui auraient dû vous sauver! Comptez les gloires que vous avez
éteintes, les prophètes que vous avez lapidés, les rois que vous avez
chassés ! L'idolâtrie n'a jamais qu'une heure, en France, et l'ingrati-
 tude est éternelle. Au lendemain de Février, quand vous vous êtes
 engagés, comme autrefois le Dante, dans ce voyage qui vous paraît si
 kmentable aujourd'hui, rempli de ténèbres et peuplé de spectres, un
 grand poêle, une grande âme s'est présentée pour être votre guide,
 votre Virgile ; qu'en avez-vous fait ? Au bout de quelques jours, vous
Jetiez sa couronne de lauriers dans l'abîme. Un soldat plein de droiture
 est ensuite venu vous offrir son épée pour défendre vos intérêts ; mais
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    ue parlait ni le langage de vos passions, ni celui de vos rancunes :
 v
   ous avez jeté l'épée où était tombée la couronne de lauriers.
    Ne comptons donc plus que sur nous-mêmes ; le temps des sauveurs
  est passé, parce que celui de tous est venu. Dans un pays où chacun
  Participe à la puissance sociale et en est responsable, il n'y a pas de
  Place pour les messies, quels qu'ils soient.

                                                   J. TISSEUR.