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TA                 DE LA RESPONSABILITÉ SOCIALE.

ont alors prédit une sorte de société chinoise, panthéistique, où l'Etat
absorberait l'individu, où, à force de se dilater, la personnalité hu-
maine courrait risque de s'évanouir. Les uns, comme Chateaubriand,
ont prophétisé une société-ruche ; les autres n'ont plus aperçu, dans
les sociétés à venir, que des tumultueuses et sombres fourmillières, des
tourbillons d'atomes, des nuages de poussière humaine chassés à l'ho-
rizon par le vent de la fatalité.
    Mais, n'est-ce pas là méconnaître les lois de notre vie morale et de
son développement ? Plus l'homme étend par sa pensée et par ses actes
la sphère où Use meut, plus il a besoin de se maintenir libre et puis-
sant. Le meilleur moyen d'assurer cette force de concentration qui lui
est nécessaire,n'est-ce pas de la faire reposer sur le sentiment de la res-
ponsabilité et des devoirs qu'elle impose? Assise sur cette base de dia-
mant, la personnalité humaine sera indestructible. Alors, nous pour-
rons entrevoir l'accomplissement lointain de cette prophétie souriante
 de Herder : « l'apparence de l'homme deviendra l'homme en réalité ;
 ainsi, la fleur d'humanité, engourdie par le froid, desséchée par la cha-
 leur, s'épanouira dans sa vraie forme, dans toute la plénitude de sa
 beauté propre. »
    Acceptons donc résolument les conséquences de notre souveraineté,
 c'est-à-dire notre part de responsabilité dans la chose publique. En des
 temps aussi troublés que les nôtres, au lendemain d'une révolution qui
 nous impose l'activité à la place de ce repos séculaire que les gouver-
 nements passés nous faisaient, cette responsabilité est lourde à porter.
  Qui en doute ? mais, soyons-en certains, quels que soient nos regrets
  ou nos faiblesses, nous n'y échapperons pas. Elle nous est imposée par
  une loi qui nous est supérieure ; par la double loi du développement
  des individus et des sociétés.
     Quand les peuples ont pris sur eux, comme nous l'avons fait depuis
  soixante ans, la responsabilité de ces révolutions successives qui, tou-'
  tes, se confirment l'une par l'autre, ils sont tenus de les arrêter ou de
  les terminer eux-mêmes.
     Depuis dix-huit mois, la France cherche un homme, un messie, un
  sauveur : voilà sa grande préoccupation. Comme autrefois Diogène, la
  lanterne à la main, elle court de rue en rue et frappe à toutes les por-
  tes. Dans son ardent désir de mettre la main sur un homme assez
  puissant pour conjurer les fantômes qui l'obsèdent, et rompre le
  charme des idées qui l'épouvantent, elle s'acharne à restaurer les
  vieilles renommées dont elle ne voulait plus. Elle rajuste, elle ressoude
  les débris des hommes d'état qu'elle a jadis renversés et foulés ai»