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I)E LA RESPONSABILITÉ SOCIALE. /•' Aussi, n'est-ce pas sans raison que l'on a souvent reproché aux ré- formateurs de ce siècle de sacrifier l'individu ; dans tous les systèmes qu'ils nous proposent, j'aperçois une chose qui tient beaucoup de place, £est l'État, et une autre qui en tient fort peu, c'est la liberté individuelle. Cette chose, qu'on appelle l'État, est chargée d'avoir des idées pour tQ ut le monde, d'agir et d'être responsable pour tout le monde, et comme ses idées seront, à ce qu'il parait, toujours excellentes, elle ne réclame pour elle que le droit à peu-près absolu d'en poursuivre la réalisation selon son bon plaisir. Je n'ai pas besoin de dire que ces théories, fausses à ce point de v ue, sont tout-à -fait contraires à l'idéal démocratique, tel qu'il ressort des faits et des tendances modernes. Toutes sous-entendent, comme dans les sociétés abolies, l'existence d'une aristocratie, d'une classe initiatrice, d'un collège de docteurs dépositaires de la science sociale transcendante ; toutes supposent le renoncement des citoyens à par- ticiper à la formation de la loi et du pouvoir, à la direction de la so- ciété ; toutes aboutissent à étouffer la spontanéité, à paralyser l'activité humaine, à supprimer cette responsabilité qui élève l'homme et glo- rifie sa nature. Que, de notre temps, des théoriciens impatients, prévoyant, pour le jour où ils arriveraient aux affaires, des résistances insurmontables dans les volontés individuelles, aient rêvé, afin de se faciliter leur be- sogne future, une formidable concentration de puissance entre les Mains de l'État, une sorte de despotisme rationnel, je ne m'en étonne guère ; qu'ils fassent fi des questions politiques,comme celles de l'or- ganisation de la souveraineté, par exemple, je m'en étonne encore m °ins ; mais que la liberté individuelle, si profondément travaillée Par un irrésistible besoin d'expansion, ardente à tout envahir, à tou soumettre à son contrôle et à son action, résolue à rester ce qu'elle doit être, le pivot du monde social, consente un jour à rentrer en elle, a se faire petite, à abdiquer, à s'annihiler, c'est ce que je ne puis ni croire ni admettre. Je m'effraye peu des utopies, étant bien sûr qu'il n'y aura jamais d'applicable et d'appliquée en France que l'uto- Pie de tout le monde. Quelques esprits, chez lesquels les regrets trouvent plus de place que le s espérances, inquiets de cet essor de la nature humaine, qui se joue ain si de toutes les barrières et dépasse toutes les limites, troublés, d'ailleurs, à l'aspect des ruinés de l'ancienne hiérarchie dont notre sol Politique est couvert, ont manifesté la crainte devoir l'individu perdre, dans cette extension démesurée, se? conditions d'équilibre moral. Ils