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                                    LES CÉLESTINS.                                         67
     Et cependant, en roi qu'il est, M. Frederick avait amené dans ses fourgons sa
reine à lui, son Bertrand à lui,                    M11* Clarisse Miroy et M. Perrin, — une reine
potelée et blanche, aux cheveux blonds et aux yeux bleus, beauté mûrissante qui
montrait en vain trente-deux perles derrière la rampe enflammée ; un Bertrand
confectionné ad hoc et qu'on eut dit dessiné, colorié par Doumier, tant le type tradi-
tionnel était reproduit avec exactitude et conscience.
      Avez-vous compris la profondeur de ce type ? Bertrand ! un homme qui marche
dans votre ombre, qui est de votre suite et qui dit avec fierté : j'en suis; une amitié
qm ne raisonne pas et se dévoue, une bonté positive qui rappelle vers les choses de
  a terre
                le grand homme qui s'égare. Qui que tu sois, lecteur, tu as un Bertrand ou
'u est le Bertrand de quelqu'un. Napoléon avait le sien, un homme illustre, celui-là,
 qui dort maintenant à coté de son maître sous le dôme des Invalides ; M. Thiers a
 M.Barrot, qui, lui-même, a M. Chambolle; M. Lamartine a M. Pelletan; M. Victor
 » M. Vacquerie, comme Don Quichotte avait Sancho-Pança. Regardez en haut ou en
 bas
      > M. Bonaparte trouve son Bertrand dans M. Fialin de Persigny, et M. Proudhon
    ans
           M. Greppo. — Tous les grands hommes ont besoin de se doubler de quelqu'un
 parce qu'ils ont besoin de se vérifier, de se contrôler, de s'admirer dans une àme
 'ympalique qui les reproduise avec complaisance et en les flattant. Ici je pourrais en-
     er
           ° a n s des analyses psychologiques très-fines, très-curieuses, à l'aide desquelles
        e
          °teur saurait pertinemment à quoi s'en tenir sur la question de savoir s'il est
             e
                 Personnellement à avoir un Bertrand ou à le devenir ; mais je m'arrête, me
      uv
    ° enant du précepte classique : il faut savoir se borner. Laisser deviner quelque
       ose a c
                  eux qui vous écoulent est le premier devoir de l'orateur.
       D
         °nc, nous avons eu Robert Macaire; c'est là le vrai, le grand rôle de M. Frédé-
  n<
       * i il est acteur et auteur tout à la fois. Aussi rien n'égale la sublime aisance qu'il
     ep'oie dans toutes les pasquinades de ce rôle. On a dit de Rabelais que c'était un
  Homère bouffon, on peut dire de Frederick à peu près la même chose. C'est un Talma
     oufibn, I| a élevé les trétaux à la hauteur de la scène de la rue Richelieu. Robert
  Macaire, après i83o, était une satire des folies romantiques et des lieux communs
  que les Gérontes de la morale et de la politique leur opposaient ; il répondait bien à
  ce
        1 u ' i l y avait de débraillé, de moqueur et d'audace novatrice dans la jeunesse de
  ce
      tte époque. — Aujourd'hui, toute cette fougue est tombée, nous sommes moroses
  comme le siècle, comme la politique. Robert Macaire n'est plus qu'un péché de
     °tre jeunesse qui n'a pas même assez de charme pour nous dérider.
        Aussi, le public, malgré sa bonne volonté, malgré ses sympathies pour l'artiste,
   applaudissait peu, et. il l'a laissé partir sans grands regrets et sans le couronner de
   fle
       urs, suivant la recommandation de Platon. Frederick a dû, nous le supposons du
   moins, secouer la poussière de ses pieds aux portes de notre ville inhospitalière.
        Tandis qu'il sortait par une porte, Ravel et C'« entraient par une autre ; la Cie signi-
   fie ici M"» D u v a i q u i g>egt a s s o c i e e a i' a r t i s te du Palais-Royal.
        ° n peut disserter tant qu'on voudra sur le mérite des artistes comiques, il y a des
   gens qui préfèrent les comiques qui font pleurer, comme M. Bouffé, ou les comiques
    lui ressemblent à des ténors légers, comme M. Achard ; nous avouons, pour notre
   "ompte, préférer ceux qui se bornent à vouloir faire rire.