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66                            CHRONIQUE THÉÂTRALE.
visiteur allait s'incliner avec respect après avoir salué la maîtresse de maison, con-
tribuait à jeter une espèce de calme religieux dans le salon de M m e Récamier. Une
 des figures qui s'y montraient les plus animées, les plus souriantes, les plus jeu-
nes, c'était notre Ballanche. Ce doux théosophe, le penseur le plus profond peut-
être et le plus intuitif de notre époque, semble avoir joui jusqu'au dernier jour dé
l'adolescence du cœur. Uhe tendre et charmante gaîté le métamorphosait sous les
yeux de Béatrix. Dans ces conversations toujours graves et dignes, il avait le privi-
lège d'introduire les mots qui appellent le sourire. Souvent même, mais avec une
innocence digne de l'âge d'or, le mystique Hebal, l'Orphée primitif essayait d'ai-
guiser le calembourg.
   Chateaubriand, Ballanche, chaque jour depuis quarante ans, allaient s'asseoir au
foyer chéri de M me Récamier. Quand on peindra ce salon, ces deux ligures seront là
assises et rayonnantes au milieu de toutes les autres. Quelle auréole pour une
femme qui avait déjà la grâce, l'esprit, la beauté, que ce cercle d'amis de génie.
Ce tableau a de quoi tenter ; mais il exige un pinceau de maître. Où se trouve l'heu-
reux artiste qui saura nous le retracer? Ce sujet reviendrait de droit à une plumé
lyonnaise; puisse le programme de l'Académie susciter parmi nous quelque jeune
talent qui, en louant des gloires lyonnaises,'promette à Lyon une nouvelle gloire.

                                                                           X.




      CHRONIQUE THÉÂTRALE. — LES CÉLESTINS.




   Notre petit théâtre fait tout ce qu'il peut pour se réveiller de sa longue léthargie,
et il n'en vient pas à bout.
   il a appelé à son aide le vieil athlète accoutumé à vaincre, le Jupiter du drame
moderne, qui, pareil au Jupiter ancien, revêt tous les costumés et passe par toutes
les métamorphoses, avec la même puissance, toujours Dieu, toujours magnifique,
sous les haillons comme sous le feutre à plume, sous le manteau royal, aux vastes
plis, comme dans l'étroit frac noir de la société moderne. Hélas ! Frederick Lemaî-
tre a presque passé inaperçu, il a joué devant les banquettes comme un simple mor-
tel, comme M, Auguste Genin, par exempte, aurait pu le faire.