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60                      CHRONIQUE POLITIQUE.

intéressé trop directement dans la question, pour espérer le voir par-
faitement impartial, quand l'heure sera venue de la juger.
   Qu'on ne nous dise pas que nous attaquons le Président de la Répu-
blique : ce n'est pas notre intention. Qu'on ne nous dise pas que nous
cédons à des préventions injustes contre son caractère : nous signa-
lons seulement les difficultés et les dangers de sa position. Ce n'est pas
une accusation que nous portons contre lui, nous nous bornons à re-
produire le doute qui est au fond de tous les esprits, depuis le 10 dé-
cembre. D'ailleurs, pourquoi a-t-il tant d'amis indiscrets et compro-
mettants ? Nous aimons bien à croire qu'ils prennent leurs propres
désirs, et leurs rêves pour les intentions et les volontés de celui qu'ils
s'imaginent servir ; mais leurs paroles suffisent pour propager le doute
et l'inquiétude. Et puis, la raison n'admet pas du premier coup qu'un
ex-prétendant à l'empire puisse se résigner facilement au rôle modeste
d'un président responsable et à terme avec 1,200,000 fr. d'appointe-
ments. C'est un malheur pour le gardien de la République d'avoir en-
tendu ces sinistres paroles : Macbeth, tu seras roi ! Il n'est pas fa-
cile de les oublier, et l'ambition cause alors de douloureuses insom-
nies. Il aurait pourtant une belle place à prendre dans l'histoire, et un
grand exemple à donner aux nations et aux gouvernements ; pour cela,
il faudrait, au lieu d'essayer je ne sais quelle parodie de l'Empire,
prendre Washington pour modèle, et se montrer, comme lui, digne du
pouvoir en sachant le quitter. On ne peut qu'imiter Napoléon, en fait
de génie et d'ambition, mais on peut le surpasser par le désintéresse-
ment, par le respect des lois de son pays et le dévouement à ses inté-
rêts. Cette gloire n'est-elle pas assez haute pour satisfaire les plus
ardentes ambitions?
   Ces nuages, que nous avons signalés à l'horizon, n'alarmeraient
personne, si chacun, en France, paraissait prêt à faire son devoir, et
comprenait mieux les dangers de tout changement opéré en dehors des
voies constitutionnelles. Mais il y a, par malheur, dans la société, des
gens dominés par de singulières préoccupations. Au lieu de voir dans
la République un règlement d'ordre contre l'anarchie, ils la consi-
dèrent comme l'anarchie elle-même organisée. Pour elle, point d'a-
mélioration possible, point de tolérance, point de pardon. Tout leur
parait bon, juste et désirable, à côté de ce gouvernement monstrueux ;
et, pour s'en débarrasser, ils consentiraient à traverser une tempête et
à jouer le jeu de hasard des révolutions. On en rencontre même de tout
disposés à livrer des batailles et à être des héros pour conquérir la
servitude : pour notre compte, en voyant ces hommes, quêtant un