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34                          CHRONIQUE ARTISTIQUE.
muler les deux emplois distincts de Stoltz et de Falcon, ce sont plutôt les créations
du dernier genre que sa nature vocale lui rendrait plus fructueusement accessibles.
Sa voix, remarquable par son étendue vers la limite supérieure, ne vibre que sour-
dement dans les cordes graves, qui caractérisent le contr'alto. Aussi, a-t-elle sage-
ment procédé en prenant les Huguenots pour épreuve décisive.—Cette remarque,
du reste, n'implique point une critique; en effet, à part l'organisation exceptionnelle
de la Malibran, nous n'avons guère connu, jusqu'à présent, de larynx féminin en
état de satisfaire pleinement aux exigences de ces deux emplois scéniques.
    Une opinion bien décidée pour ou contre cette actrice parait assez difficile à for-
muler ; car on ne saurait lui refuser de nombreuses qualités, et ses défauts sont de
ceux qu'on applaudit assez volontiers à Lyon. Sans doute son registre de tête est
plus aigu que mélodieux ; mais il fera assurément merveille dans les ensembles. —
Le style de ses vocalises se ressent un peu trop de la commençante, et l'on a re-
marqué, dans le duo du 4° acte de la Juive, le sans-façou qu'elle a deux fois mis à
remplacer par la diatonique une gamme chromatique descendante ; mais la salle
était, ce soir-là, si peu garnie, qu'elle a bien pu se croire en famille, et libre de se
réserver pour une meilleure occasion. — Dans la déclamation, son geste va souvent
au-delà de la pensée, et la chaleur tragique qu'elle développe, loin de se communi-
quer au spectateur, lui inspirerait plutôt l'instinct de s'en défendre : mais, d'autre
part, elle appuyé consciencieusement sur chaque mot, chaque syllabe ; et sa diction,
parfaite, sauf le défaut favori de Madame Méquillet, ne laisse pas perdre un trait
du dialogue.
    L'accueil du public a été ce qu'il devait être. Le combat a manqué faute de sujet ;
car il n'y avait réellement matière à rien qui ressemble à de l'enthousiasme ou à
de l'opposition. Aussi, l'admission a-t-elle été prononcée à l'imposante majorité de
8 voix contre 4 ; le public s'étanl abstenu, faute d'intérêt qui le conviât au scrutin.
Madame Arga fera donc partie de notre troupe lyrique, vraisemblablement destinée
à ajouter un nouvel exemple au type de ces honorables sociétaires, dont le nom, sur
l'affiche, n'attire ni ne repousse ; — qu'on applaudit à la fin de leur année, mais
que personne ne songerait à retenir pour la suivante ; — qui, sans cesse occupés à
garder l'équilibre entre l'approbation de la majorité et l'obstinée faction des chu-
teurs, ne se livrent jamais pleinement, —hésitent en commençant une roulade,
hésitent encore avant de la finir ; — redoutent de faire lever la tète à la réaction
s'ils s'inclinent devant une salve de bravos, — et, si un bouquet obligeant vient
tomber à leurs pieds, n'osent se baisser pour le ramasser. — Puisse cet horoscope
ne convenir que par ses bons côtés à notre première chanteuse! elle échappera sû-
rement à la partie disgracieuse de nos pronostics, si elle peut se persuader que,
 dans léchant comme dans le jeu, il faut des contrastes, il faut, même aux situations
 les plus passionnées, que le spectateur suppose, espère dans votre cœur quelque
 chose de plus que ce que vous lui avez laissé voir. Une femme ne saurait mécon-
 naître la sagesse de ce conseil ; car elle doit avoir ouï dire qu'on ne se détache
 jamais que des charmes qu'on a pu admirer à son aise et sans voiles.
    Une toute mignonne personne, M rae Anna Dnilel, s'était emparée, à la satisfac-
 tion générale, du modeste emploi de seconde chanteuse à roulades. A l'entendre