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32 CHRONIQUE ARTISTIQUE.
musique qui marche en léte de nos régimenls n'a peut-être pas, providentiellement,
d'autre but. Et Mozart, juge si compétent eu pareille matière, ne saurait avoir eu
tout-Ã -fait tort, quand il fait chanter, dans il Flanto Magico :
« Se potesse un suon egual
P^addolcir la terra,
Lo farebbe fia mortal
Disparir le guerra. »
En attendant qu'un Amphyon nouveau vienne reconstruire notre édifice social
lézardé, nous en sommes, comme je le disais, à savourer à contrecœur des chefs-
d'œuvre prématurément vieillis.A moins déportera l'âme cet enthousiasme de dilet-
tante, qui ne transige point sur l'admiration due aux grands maîtres, je conçois, je
l'avoue humblement, qu'on ne se tienne pas parfaitement éveillé durant tout le
3 m e acte de Guillaume Tell ; qu'on se'permette un tour de foyer pendant que s'al-
lume celui qui doit consumer la Juive ; et, loin d'en vouloir à mon voisin, je ne ré-
siste pas sans peine à l'effet sympathique du bâillement que lui arrache le récit des
infortunes de la Reine de Chypre.
Telle a été, sans doute, une bonne part de la cause du succès qu'a obtenu, dans
notre ville, la Jérusalem de Verdi. Mais, que nos médiocrités indigènes ne se hâtent
point trop de tirer de ce fait un encouragement à lâcher les ours musicaux qu'ils
tiennent toujours en cage pour ces moments de dénûment lyrique. Le maestro italien
possède tant de supériorité réelle dans l'art de réveiller l'attention par de nouvelles
combinaisons chorales et des effets d'orchestre inattendus, tant de véritable science
mise au service d'une inspiration toujours présente, toujours variée, qu'on ne sau-
rait, sans injustice, taxer d'immérités les applaudissements qui ont accueilli surtout
les trois premières représentations. Le sextuor final du premier acte, la marche des
pèlerins, la scène de dégradation ont, cliaque fois, soulevé des marques de sympa-
thie d'autant plus flatteuses pour l'auteur, qu'elles étaient sans alliage mercenaire,
et éclataient de tous les coins de la salle avec une spontanéité qui accuse d'heu-
reuses transformations dans notre aptitude et nos goûts musicaux.
Mais laissons cette nouveauté déjà ancienne, laissons Bellini, gosier fabuleux,
écolier qui a la voix et nous reviendra peut-être avec la méthode de Rubini : l'at-
tention n'est point là , et les souvenirs n'y sont déjà plus. C'est des débuts de la
troupe actuelle, c'est de nos provisions d'hiver qu'il convient maintenant de s'oc-
cuper.
Les débuts ! Hélas ! que ce nom a peu tenu les promesses qu'il faisait à nos ré-
miniscences de jeunesse. Les débuts, jadis époque d'agitations passionnées, d'ora.
geuses clameurs, d'intrigues et de cabales toujours ourdies sous le nom de la justice,
qu'êtes-vous devenue ! Le triomphe ou la ruine de l'art nous laissent-ils donc indiffé-
rents à ce point? Et tout l'intérêt a-t-il passé sans retour à d'autres luttes, à de plus
hauts comédiens ?
Quoi qu'il en soit, la direction de nos théâtres a profité en loyale mais habile
personne de l'heureux hasard de cette, diversion puissante. Mettant adroitement Ã
profit le concours exceptionnel des difficultés de notre politique , elle a su faire
appuyer son ténor par[rexpédition d'Italie, et trouver dans la Montagne de pré-