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(12-2                         CHRONIQUE MUSICALE.
— à l'inslant, elle deviendra laide et vieille !.... La toile tombe sur ce programme.
   Un beau prince, sur ma parole ! — quoiqu'il se fût, ce soir-là, un peu trop bar-
bouillé de réglisse —, se rencontre juste à point pour accomplir la prédiction, et n'a
pas de peine à ensorceler la trop sensible sorcière.—Il se trouve là une situation
vraiment attachante. Nérilha se sent aimée : elle se plaît à ces hommages et vou-
drait bien, par un aveu, en éveiller chez son amant de plus doux encore. Mais
bêlas ! si elle parle, elle cessera de les mériter ! Fée et femme, son embarras n'est
pas de longue durée. Un seul mot de magie, et le prince par elle endormi va, sans
qu'elle ait rien avoué, rêver d'elle et de son amour parlagé. Nérilha s'approche et
recueille de sa bouche même ces mots si précieux à entendre, involontaires échos
de l'àme, toujours sincères, toujours crus. Les couplets : En dormant, mélodie suave
el calme, fort bien sentie par M"-fi Lavoye, s'harmonisent admirablement avec le
drame. — Malheureusement, l'imprudente ne sait pas se contenter de l'illusion.
Elle le réveille ! Au milieu des plus doux transports, le mol fatal lui échappe.... et le
cruel oracle s'exécute.
   Le troisième acte nous transporte à deux mille pieds au-dessous de la mer ! Né-
rilha, flétrie el glacée comme ce hideux séjour, trouve là par hasard le grimoire de
son mailre. Elle le feuillette avec empressement. 0 bonheur ! un baiser peut lui
rendre l'éclat de la jeunesse : mais elle « appartiendra corps et âme » à celui qui
l'aura donné. Eh vite, un autre mot de grimoire, et la voilà de nouveau près du
prince. — Atalmuc averti, un peu tard pour un sorcier,de la fuite de son esclave,
se présente, et veut lutter contre le prince son rival. Mais c'est en vain. Pauvre
Atalmuc ! il a bien besoin de tout le secours de sa magie ; car poète et musicien
l'ont à l'envi traité en amoureux qui peut se passer des avantages terrestres. Je ne
parle pas de sa qualité de basse, triste condition, comme le dernier des spectateurs
le lui pourrait dire, pour balancer les chances d'un ténor. Mais ce pauvre homme
ne peut ouvrir la bouche, sans que les auteurs y mettent une platitude, pousser un
son, qui ne soit copié des plus traînardes phrases de la Juive, ou du fameux
soupçon, du Val d'Andorre. Ses lamentations amoureuses, complaintes déclama-
toires, tirades sans fin, n'ont, ma foi ! que le sort qu'elles méritent. En sorcier
d'esprit, au lieu de condamner les autres au silence, ne devrait-il pas se rendre
muet lui-même, plutôt que de débiter la strophe truffière :
                  Oui, je saurai trouver ces philtres!
ou l'air : Ne crois pas que je le cède ; avec son incroyable vers : Oui, j'aime mieux
te voir laide ! Belval n'eût pas mieux demandé que de rendre le personnage bouffon :
nous le connaissons tous en fond de verve pour cela. Mais, condamné par le li-
bretlo à n'être que ridicule, il a cependant su trouver, dans cet affreux rùle, des
occasions de se faire applaudir comme chanteur. — Qu'on l'autorise, en revanche,
à de nombreuses coupures : ce sera,je crois le pouvoir dire, le meilleur remer-
ciaient à lui offrir !
  Mais nous avons laissé la vieille Nérilha entre la chance de deux baisers qui, tous
deux, la pourraient rajeunir. Repoussant celui d'Atalmuc, à cause de son autre
conséquence, elle sollicite celui du prince, sans doute aussi 5 cause de cette consé-