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                    CHRONIQUE MUSICALE.




    Il est, dans ces temps de scepticisme et de défaillance de toute foi, un pouvoir
 fort, quoiqu'absolu, qu'on critique, mais sans le jamais contester; un pouvoir qui,
 loin de marchander au suffrage universel le moindre de ses droits, ne cesse d'en
désirer, d'en provoquer chaque soir les manifestations ; un pouvoir dont les décrets
s'exerçant sur ce que notre nation, comme la vieille Rome, met en première ligne
après le pain, sont cependant toujours obéis avec une servilité orientale.
    Ce Souverain-Modèle, — qui a pour sceptre un archet, un maillot pour manteau
royal — a, cette année 1880, oetroyé à son peuple une largesse inouïe jusque là
dans les fastes de ses prédécesseurs. Une première représentation d'opéra, le 10
avril! a c e moment suprême où le ténor éperdu cherche sa voie, où la duègne
chevrotte de plus belle, sans respect menacée d'avoir bientôt à quêter un autre
asile, où le plus cahotant coucou se voit mis en réquisition pour fournir de nouvelles
scènes au roman comique.... c'est du courage, mais c'est surtout du bonheur, et
du bonheur bien mérité ! Ce gage de stabilité, nous l'accueillons avec plaisir. Il
prouve que notre direction, en faisant les affaires du publiera fait aussi les siennes :
et tout le monde, avec nous, conviendra que, par le goût fin et sûr qui a toujours
présidé à ses actes, par la manière à la fois libérale et artistique dont elle a compris
et administré les plaisirs musicaux de notre ville, elle est digne de tout son succès,
digne que ce succès devienne un exemple pour l'avenir! — Ceci dit, et dit comme
nous le pensons, passons à la Fie aux Roses.
    Aux Roses, je le veux bien, car le décorateur, plu.i galant qu'hygiéniste, en a
semé des liges partout, même sur les sièges où elle va s'asseoir : mais pour/rt, elle
ne l'est jamais qu'accidentellement, par commission ou par supercherie. Ecoulez
plutôt. Nérilha, pauvre esclave du magicien Alalmuc, est aimée de son maître ; mais
son cœur, a elle, n'a point encore parlé. Par une tradition commune aux gens de sa
sorte — et dont pourtant ils devraient bien se défaire, — le vieux sorcier tient son
objet enfermé, afin de lui mieux ôter tout moyen de comparer ses deux siècles avec
les vingt ans de quelqueblondin. Mais Nérilha a, pour lutter, ses grâces, sa malice,
et l'espoir d'un peu de retour, dont elle berce adroitement son barbou de poursui-
vant. Bref, elle l'emporte : Atalmuc persuadé lui confie une rose magique, talisman
avec qui l'on peut tout. Le rusé vieillard ne se réserve qu'un point: si Nérilha dit
à un homme : Je t'aime, ou « lui en donne quelque preuve » —Oh ! oh ! M. Scribe !...