page suivante »
582 LOIS CONTRE LA PUESSE. plus de stabilité réelle en France qu'il y en a maintenant ? On ne veut pas voir que le meilleur moyen, le seul, de raffermif le règne de l'Ordre, c'est de respecter la Constitution, afin que tout le monde la respecte ; que la force du parti modéré, c'est précisément sa modéra- tion. Que s'il avait été aussi violent et aussi passionné que ses adver- saires, il aurait subi les mêmes défaites. Mais, dit-on, il faut venir au secours du Pouvoir, il faut le fortifier ; comme si le Pouvoir pouvait être réellement fort d'autre chose que de la confiance qu'il mérite et de l'assentiment qu'on lui donne? Les en- nemis des lois, ajoute-t-on , sont innombrables ; et le seront-ils moins, quand on leur aura donné un prétexte d'insurrection, en le* dépouillant d'une partie de leurs droits ? Ils sont violents ; mais , quand ils ne participeront plus, par leur vote, à la confection des lois, auront-ils plus de vénération pour elles ? Est-ce en leur refusant le vote, que vous leur apprendrez à obéir aux majorités ? Et de quel droit leur imposerez-vous le respect d'une Constitution que vous au- rez violée ? Il en est d'un empire, d'une monarchie légitime ou quasi légitime, comme du cheval de Rolland. Il avait toutes les qualités imaginables et pas un défaut. : seulement, il était mort. L'amour de la gloire mi- litaire, l'esprit de conquête, le sentiment, la foi, qui faisaient du dé- vouement à son roi une vertu, un moyen de remplir ses devoirs en- vers Dieu et envers sa patrie, tous ces éléments de la vitalité des insti- tutions passées sont morts. Ces amusements ne sont plus assez é deux pour notre âge. Prendre ses souvenirs pour des réalités est un genre de folie digne de pitié, quoique ridicule, et qui n'appartient qu'eà l'en- fance des vieillards. Nous le disons aux partisans de la politique su- rannée .- l'abolition du suffrage universel, la suppression de la Presse feraient le bonheur de la France, à peu près comme les bals et les grands diners font la prospérité du commerce et de l'industrie. Il n'y a pas deux manières de comprendre le salut d'un peu- ple : ou il faut compter, pour le tirer de l'abîme, — si abîme il y a —. sur le génie d'un homme dont la supériorité soit telle, qu'il réduise toutes les autres Individualités à une espèce d'esclavage moral, ou bien il faut s'en remettre au bon sens de la nation. Or, la France est lasse de recourir à ces remèdes héroïques qui s'appellent des hommes de génie. Elle renonce à attendre plus longtemps ces messies en re- tard ; elle commence à comprendre que tout le monde a autant d'es- prit que M. de Voltaire tout seul ; que si une nation qui se gouverne elle-même est sujette à l'erreur, les grands hommes, à qui elle s'aban-