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QU'EST-CE QUE LE MAGNÉTISME? 569
L'hôtel Bourret, dont il avait fait son temple dans la capitale,
était rempli de trépieds grecs et de caisses de fleurs, d'où s'exhalaient
de doux parfums, cette première séduction des sens. Un demi-jour
augmentait le mystère et faisait rêver ; on se parlait à voix basse ; on
se regardait avec curiosité. Dans la grande salle, était une cuve en
bois de chêne, de quatre à cinq pieds de diamètre, d'un pied de pro-
fondeur, fermée par un couvercle en deux pièces, et s'enchà ssant dans
la cuve ou baquet. Au fond, se plaçaient des bouteilles en rayons con-
vergents, et de manière que le goulot se tournait vers le centre de la
cuve. D'autres bouteilles partaient en sens contraire ou en rayons di-
vergents, toutes remplies d'eau, bouchées et magnétisées. On mettait
souvent plusieurs lits de bouteilles ; la machine était alors à haute
pression.
La cuve renfermait de l'eau, qui baignait les bouteilles; quelquefois,
on y ajoutait du verre pilé et de la limaille de fer. Il y avait aussi des
baquets à sec. Le couvercle était percé de trous pour la sortie de
tringles en fer coudées, mobiles, plus ou moins longues, afin de pou-
voir être dirigées et appliquées vers différentes régions du corps des
malades qui s'approchaient du baquet. D'un anneau du couvercle
partait une corde très-longue, dont les patients entouraient leurs
membres infirmes, sans la nouer. Les malades se rapprochaient
pour se toucher par les bras, les mains, les genoux et les pieds. Les
plus robustes magnétiseurs tenaient une baguette rie fer, dont ils tou-
chaient les retardataires et les indociles.
Comme le baquet, les bouteilles, les tringles étaient préparés, les
passions entraient bientôt en crise. Les femmes éprouvaient d'abord
des bâillements ; leurs yeux se fermaient ; leurs jambes ne les soute-
naient plus ; elles étaient menacées de suffocations. En vain les sons
de l'harmonica, du piano, les chœurs de voix se faisaient entendre;
ces secours paraissaient accroître les convulsions des malades. Des
éclats de rire sardoniques, des gémissements douloureux, des torrents
de pleurs éclataient de toute part ; les corps se renversaient en des
mouvements tétaniques ; la respiration devenait râleuse ; les
symptômes les plus effrayants se manifestaient. Alors, les acteurs
d'une scène aussi étrange couraient au-devant les uns des autres,
éperdus, délirants ; ils se félicitaient, s'embrassaient avec joie ou se
repoussaient avec horreur. C'était, comme on l'a dit, un enfer de con-
vulsions. On emportait les plus fous dans la salle des crises, où les
femmes battaient de leur tète les murailles ouatées, ou se roulaient
sur un parquet en coussins, avec des serrements à la gorge.