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UES ÉLECTIONS DU 10 MARS. 533 jugée par le sens public, et nous voudrions que notre loi électorale n'opposât point d'obstacles et facilitât cette exhibition non seulement de tout parti, mais encore de toute nuance. Certes, nous ne demande- rons point de modification qui soit contraire au texte de la Constitu- tion ; bien loin de là , nous pensons que la révision possible et légale doit être ajournée jusqu'à l'époque où cette révision ne sera plus solli- citée dans des intérêts dynastiques. La Constitution a établi le suffrage direct et le vote par département ; elle a établi aussi le vote au chef- lieu de canton, mais en autorisant des exceptions qui ont presque ra- mené le vote à la commune. Il faut prendre ces choses comme elles s ont ; mais, ce n'est pas la Constitution, c'est la loi mobile et variable qui n'a exigé qu'un seul tour de scrutin et la majorité relative pour l'élection. S'il en était autrement, c'est-à -dire si le premier tour de scrutin ne pouvait emporter l'élection que lorsqu'il donne une ma- jorité absolue, alors tous les partis pourraient se produire hardiment à cette épreuve, au moins dans le but de se compter et de constater leurs progrès dans l'opinion publique. Ce n'est que de cette sorte, qu'une idée politique, qu'un système, destiné peut-être à résoudre les questions de l'avenir, et qui a commencé obscur, inaperçu, grandis- sant peu à peu, arrive, à la fin, à saisir les esprits, devient majorité, et alors s'empare légitimement de la société et de ses pouvoirs. Ceux qui ont signalé les inconvénients de la loi actuelle ont dit, avec juste raison, qu'après avoir rejeté le vote à deux degrés, elle le réta- blissait indirectement, sans garantie et sans surveillance légale. La force des choses oblige, en effet, les partis de suivre cette tactique : les hommes les plus prononcés de chaque opinion, nous voulons dire des deux opinions radicales et extrêmes, se constituent comités électoraux, et , avec un semblant de scrutins préparatoires nécessairement inexacts et hors de tout contrôle, désignent des candidats, qu'ils im- posent à la masse des électeurs. Toutes les opinions intermédiaires sont dès-lors étouffées ; car il y a nécessité de se ranger dans un des camps ou dans l'autre, sous peine d'apporter au scrutin un suffrage perdu, ce qui est s'abstenir par le fait. C'est une tyrannie non seule- ment des partis à l'égard les uns des autres, mais encore des hommes les plus emportés de chaque parti sur la masse qui le compose ; c'est donc un encouragement aux passions et un obstacle à la conciliation. Sans doute, s'il y avait un premier tour de scrutin, il y aurait tou- jours nécessité de s'entendre ensuite et de faire ces compositions, ces transactions, ces coalitions, si l'on veut, qu'amène toute lutte électo- rale. Mais, on sent qu'il est bien différent qu'elles se fassent dans le