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494                         LE CIHEMIK H)K KEIl

    Le gouvernement de Louis-Philippe fut peu affecté de se voir en-
lever la confection des chemins de fer par les ressources du trésor.
Peut-être avait-il entrevu, dans la participation des compagnies finan-
cières à l'établissement des grands travaux publics, d'après l'exemple
donné par l'Angleterre, un moyen plus efficace de lier le pays à la
consolidation de la dynastie, et de le distraire des discussions politiques
par la préoccupation des intérêts matériels.
    Déjà le célèbre munitionnaire Ouvrard avait préconisé ce système
d'assurances mutuelles entre la finance et la couronne, comme d'autres
exaltaient l'alliance de l'autel et du trône. L'ingénieux banquier pré-
tend, dans ses Mémoires, avoir conseillé à Louis XVIII d'étendre la
dette de l'Etat, en ménageant l'impôt pour le porter sur l'emprunt. La
rente, divisée à l'infini, devait rattacher, par la communauté des avan-
tages de la stabilité, la multitude des créanciers de l'Etat au maintien
 de l'ordre établi et de la Restauration.
    Par une combinaison de la même nature, le parti de la maison
d'Orléans aurait cherché, dans un- but politique, à surexciter outre-
mesure le mouvement industriel, pour associer intimement la France
 aux destinées de cette famille.
    De là vient, qu'au lieu de marcher prudemment dans la confection
 des chemins de fer, en commençant par établir, au moyen des fi-
 nances publiques, les grandes lignes commerciales et stratégiques, on
 abandonna, sans système, sans plan déterminé, tous les tronçons de
 voies ferrées que les compagnies se disputaient, moins pour les cons-
 truire et les exploiter sérieusement, que pour trafiquer des actions et
 alimenter ce jeu effréné, qui est, à l'égard de la richesse par le travail,
 ce que l'ivresse est à la sobriété. Les hommes sages et honnêtes pro-
 testèrent, dans les Chambres, contre cet éparpillement de réseaux
 isolés, où se gaspillaient tout à la fois et les deniers de l'Etat et les ca-
 pitaux de l'industrie. Ils demandèrent donc la coordination d'un sys-
 tème général de chemins de fer, en établissant deux grandes voies
 ferrées : l'une, de l'est à l'ouest, de Strasbourg à Bordeaux : l'autre,
 de la Manche à la Méditerranée, ou de Marseille au Havre. Le point
 de jonction, sans solution de continuité, aurait été placé à Paris, de
 telle sorte qu'un wagon, parti de Marseille, aurait pu arriver à Stras-
 bourg sans temps d'arrêt, sans transbordement. Mais chaque député
 tenait, dans un intérêt électoral, à doter son clocher d'un bout de
 chemin de fer. Aussi, on commença partout, et maintenant, on est
  fort embarrassé d'achever quelque part.
     La loi du 11 juin 1842 sembla revenir à une plus haute intelligence,