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LE SALON D'EXPOSITION. 475 que les eaux, le ciel, la terre offrent au peintre, on peut dire que ''artiste lui-même trouve peut-être plus d'occasions de révéler son in- dividualité dans le choix et l'exécution d'un paysage que dans toute autre branche de l'art. Le joug de l'école, de la tradition, de la conven- tion est moins lourd pour lui, parce qu'il est toujours en face de la création. Sa contemplation le fait le roi d'un monde. Sa solitude ouvre un champ sans limites à sa liberté, à sa spontanéité. Aussi, il y a, ou il pourrait y avoir autant d'écoles, de manières, de styles, pour le paysage qu'il y a de paysagistes ; leur servitude, quand ils la subis- sent, est toujours volontaire. MM. Allemand et Thuillier sont la preuve des différences qui peuvent exister dans la manière de voir, de com- prendre, de traduire le paysage. Quoi de plus opposé que leur/a«>e.' Quoi de plus divers que les impressions qu'ils produisent ! L'un et l'autre pourtant peignent des arbres, des eaux, des pâturages. M. Al- lemand nous a donné un étang de la Bresse d'un style sévère, d'une tournure un peu vieille, d'un ciel peu gracieux, d'une couleur un peu sauvage. Mais tout cela plait, parce qu'on y trouve de la force et de la sévérité. M. Thuillier, au contraire, est sorti complètement de sa manière habituelle, pour nous offrir des compositions où le des- sin et la couleur font assaut de coquetterie. Ses vues de Hollande sont délicieuses par le calme des eaux dormantes, le sourire du ciel, la grâce des prairies. La lumière tourne bien derrière les grand arbres. C'est un peu léché, un peu fleuri, un peu porcelaine ; mais cela séduit. La nature riante ne peut pas être plus finement et plus gracieusement rendue. M. Achard a, lui aussi, ses sensations et sa manière de lés commu- niquer. Il nons a donné un petit paysage d'un fini précieux. Ce che- min fuit bien vers les montagnes bleuâtres. Le ciel ne manque ni d'espace ni de légèreté. Mais ce bouquet d'arbres d'où sort le ruisseau, qui mouille les pierres du chemin, est d'une nature étriquée, l'ombre en est maigre, les branchages ont de la gaucherie, le pointillé de la touche produit la sécheresse et fait fourmiller les terrains et les feuil- lages du premier plan. Malgré cela, ce paysage, ou plutôt ce portrait de paysage, charme par sa réalité. Le talent de M. Fonville est trop invariable pour qu'il soit possible d'en dire quelque chose de neuf. C'est un peintre sage et assidu. Il ne fera jamais rien de mauvais, il fera même de charmantes choses. Mais tout cela manque de corps, de relief, d'énergie. On peut dire de chacun de ses ouvrages tout ce qu'on a dit d'un autre. Il ne baisse ni ne s'élève : il se soutient. Nous avions pourtant, il y a peu d'années