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        LE, SALON D'EXPOSITION.




     Est-il vrai que ces esprits moroses, qui se plaisent à voir la déca-
  dence en toute chose, aient raison de penser que la peinture s'en
  va ? Est-il vrai que les dimensions de plus en plus réduites de nos
  toiles soient un indice du rabougrissement et de l'épuisement prochain
  de l'art? Doit-on croire, parce que nos tableaux religieux font ordi-
 nairement la partie la plus défectueuse de nos expositions, que l'idéal
 soit voilé pour nous par un nuage épais et éternel ? Les expositions
 ne renferment-elles plus que des articles de commerce ? Sont-elles des
 foires où chacun s'efforce, par les séductions de l'enveloppe, de dis-
 simuler les vices rédhibitoires delà marchandise ? Telles sont les ques-
 tions qui reviennent chaque année. Pour y répondre, il faudrait plus
 de temps et plus de place que nous n'en avons. Disons seulement
 qu'il y a toujours eu et qu'il y aura toujours des millénaires pour
prédire la fin du monde. Que la vie moderne, la modicité des fortunes
 et les dimensions des habitations, res angusta domi, ont fait aux
peintres et à leurs produits des conditions auxquelles il leur est im-
possible de se soustraira. Il ne faut pas mesurer la grandeur de la
 peinture à la grandeur des personnages : un tableau de Raphaël,
 réduit aux plus petites proportions, sera toujours grand : une toile
de M. Jacquand, étendue à l'infini, sera toujours une petite chose.
La Font de Ste-Yenne se plaignait déjà, en 1747, de ce que réintroduc-
tion des glaces dans l'ornementation des appartements, avait dimi-
nué le champ réservé aux peintres, et avait obligé à blanchir les
planchers. Quant aux peintures religieuses, elles ont toujours été le
côté faible des écoles françaises. Il ne serait pas impossible, d'ailleurs,
que la notion de la divinité, en s'épurant, en s'élevant, en s'abstrayant,
fut devenue plus inabordable, plus inaccessible aux prétentions d'un
art, réaliste avant tout. Mais de même que Gœthe disait, avec raison,
la poésie ne sera pas morte, tant qu'il y aura un rayon de soleil pour
épanouir une giroflée sur la fenêtre d'un étudiant allemand, on peut
dire que l'idéal' de la peinture ne s'éteindra pas dans l'âme humaine,