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                   CHRONIQUE MUSICALE.




  Vous dire ce que c'est que le Val d'Andorre, ami lecteur, je ne l'essaierai pas-
Comme poème, il commence à six heures et demie et ne se termine qu'à onze. Deux
coquettes et un frais amour pur de jeune fille ; un vol dicté par le dévouement, puis
découvert mais pardonné ; le niais obligé, flanqué de son vertueux correctif ; à cela
ajoutez,en méprises, surprises, fringantes entreprises, la dose voulue d'incertitude»
de sentiment, de gaité, pour défrayer une action de trois actes, et quels actes ! En
voici assez pour vous montrer que le nouvel opéra-comique satisfait pleinement a
toutes les antiques conditions du genre. On y entend gémir l'innocence, on y respire
un très-louable parfum de morale ; je pourrais même vous citer certains couplets
sur le soupçon funeste.... que n'eût point désavoué Marsollier, Sedaine, ou Lachaus'
sée ! Mais n'ayez peur ; je crois être assez heureux pour avoir réussi à les oublier.
   Le larmoyant du drame n'a-t-il pas détrempé les cordes qu'Halévy sait ordinaire-
ment faire résonner si vibrantes ? Il faut l'avouer : ce pathétique dépaysé parmi les
scènes de la vie bourgeoise a probablement refroidi l'auteur de la Juive. Le ton gé-
néral de sa musique manque d'allure et de verve. A part quelques morceaux clair-
semés, on reconnaît trop souvent, dans cette harmonie sans chaleur, les procédés de
remplissage banal qui dénotent une inspiration absente ou sommeillant. A la vé-
rité, le réveil ressemble parfois aussi à celui d'Homère. Mais le fond supporterait
aisément de nombreuses coupures : elles raviveraient l'action , soulageraient les
artistes ; elles reposeraient surtout ces connaisseurs timides qui, brisés par quatre
heures de cette traînante mélopée, n'osent pas même se donner la consolation d'ap-
peler ouvertement ennuyeux ce qui les a ennuyés.
   Si quatre ou cinq jolis morceaux pouvaient constituer un chef-d'Å“uvre, le Val
d'Andorre, à ce prix, trouverait sa place assurée parmi les ouvrages de premier
ordre. La veine féconde mais peu prodigue du maestro a distribué ces vives bro-
deries avec assez d'adresse, pour masquer les volontaires pauvretés de la trame.
L'ouverture mérite de compter dans ce nombre. Piquante macédoine de traits ani-
més,le tutti en crescendo de rigueur y est traité assez sobrement,précieuse rareté chez