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384                            CHRONIQUE LOCALE.
exercé par le général Cavaignac, les plaintes ne tardèrent pas à retentir même dans
les journaux qui, aujourd'hui, sont le plus disposés à applaudir toute mesure excep-
tionnelle. Pourtant, qui oserait dire que, sous le général Cavaignac, les circonstances
ne fussent pas plus difficiles, les ferments de discorde plus nombreux et plus ardents?
   On parle toujours du socialisme, on fait appel à la peur ; mais,en 1820, M. Guizot
reprochait déjà aux contre-révolutionnaires d'alors de faire de la peur un art; avec
la loi sur le colportage, qui donne aux préfets un pouvoir tout-à-fait discrétionnaire,
les préfets sont assez forts pour entraver toute propagande ; l'état de siège n'ajoute
rien à leur puissance. Pourquoi le maintient-on ?
  Nous pensons, pour notre compte, que le Gouvernement ne sait pas la vérité sur
Lyon ; on en fait d'ici un épouvantait ; on exagère les difficultés afin de grandir son
habileté ; l'arbitraire ne déplaît pas non plus au Gouvernement ; on ne sait pas, après
tout , quelles éventualités plus ou moins monarchiques l'avenir nous réserve.
L'état de siège est un en cas. Mais ce n'est pas là ce qu'il doit être, nous ne dirons
pas d'après la Constitution, car on s'en soucie médiocienient dans les hautes régions
politiques, mais au nom de la raison, du simple bon sens, au nom de la justice la
plus élémentaire.
    —Nous parlions tout à l'heure de St-Pétersbourg et de Constantinople ; c'est Rome
qu'il faut dire maintenant ; le général Gémeau vient en effet d'interdire, par un
arrêté du 23 décembre, non seulement la vente des Almanachs déniocraliques de
toutes nuances, mais encore de l'Histoire de la Révolution, par Léonard Gallois.
C'est tout simplement le tribunal de l'index, établi à Lyon, comme à Rome. Tou-
tefois, à vrai dire, nous ne serions pas fâchés de savoir les noms des membres de ce
collège sacré : portent-ils la mitre ou le schako?
    Nous n'entendons pas ici prendre parti pour les livres de M.Gallois, nous avouons
même que nous ne les avons pas lus, et très-probablement nous ne sommes pas les
seuls, mais cet ostracisme contre des livres, contre de gros in-8° qui coûtent évi •
 demment trop cher, pour cire achetés par l'ouvrier et le paysan, témoigne de la voie
 déplorable dans laquelle l'autorité militaire, bien malgré elle, sans doute, se laisse
 si docilement engager. Puisque le générai Gémeau entame ainsi une croisade contre
 les mauvais livres, nous lui indiquerons, comme devant èli .' frappés en première
 ligne Y Histoire de la Révolution de M. Thiers et celle des Girondins de M. Lamartine.
 Voilà deux livres qui ont plus fait pour réhabiliter la grande époque révolutionnaire
 que toutes les publications de M. Gallois, si montagnardes qu'on les suppose. Nous
 lions permettrons même de foire observera l'honorable général qu'un certain Voltaire
 et un certain Rousseau ne passent pas pour avoir été étrangers au triomphe de la
 Révolution, et qu'il ne serait peut-être pas mal de les atteindre aussi ; très-cerlai-
 nement, les pieux conseillers qui ont souillé au général l'idée de son dernier arrêté,
  ne tiennent pas Voltaire et Rousseau en meilleure estime que .VI. Gallois.