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                               LES BÉGUINS.                           3-29
 uti amour terrestre pour ce cœur que Dieu seul n'avait pu remplir.
 Drevet, après avoir épousé unefillede St-Jean-Bonnefonds, se retira
 à Paris ; et, las de conquérir des âmes, il tenta, dans le commerce,
 une mission plus fructueuse. Il réussit mieux, dit la chronique, dans
ce second apostolat que dans le premier. Couronné de vieillesse, en-
touré d'une nombreuse postérité, il aurait rendu à Dieu, il y a peu de
temps, son âme repentante et désabusée. Les Béguins soutiennent en-
core que Drevet persévéra dans sa foi nouvelle, et qu'il ne quitta cette
 terre que pour la confesser glorieusement devant celui qui est la vé-
 rité elle-même.
    Le prêtre Drevet est-il rentré au giron de l'église catholique après
 en être sorti, ou bien est-il mort inébranlable dans la confession des
 Béguins? Ceci est un problême historique dont toute notre sagacité n'a
pu trouver la solution. Autour du berceau des grands hommes, la
 Providence se plaît à amonceler les ténèbres pour se jouer de la curio-
 sité des historiens. Un seul fait est constant : Drevet est mort ! Tout le
 reste est livré aux disputes éternelles.
    Mais, en partant, le prêtre Drevet avait laissé à son vicaire Lafay la
 conduite de son bétail spirituel. Sous la houlette pastorale de Lafay,
la secte des Béguinsfleuritet fructifia dans l'ombre et le silence.
    Drevet avait engendré religieusement Lafay ; Lafay, à son tour,
engendra Jacques Brossy, troisième ministre connu du Béguinage.
Brossy, précurseur du prophète Digonnet, vit encore : il bêche et
pioche son champ, comme un brave homme qu'il est. Maintenant, ô
profondeur des voies sacrées ! Brossy est excommunié, comme héré-
siarque, par Digonnet, pour avoir voulu, plus tard, contester la mis-
sion évangélique de ce messie en sabots.
    L'histoire de la secte des Béguins se compose de deux âges : l'ère de
l'attente, de l'espérance du grand prophète, et l'ère postérieure à son
 arrivée à St-Jean-Bonnefonds.
    Dans la première époque, calme plat. La religion nouvelle monte
comme une plante aimée du ciel, sans bruit et sans orages. Les Bé-
guins pratiquent la tolérance; ils s'effacent; ils sont peu embrasés
des feux du prosélytisme. Us laissent en paix les catholiqnes ; vivent
avec eux en très-bon accord ; pratiquent en secret leurs rites, et chan-
tent leurs cantiques en français de St-Jean-Bonnefonds.
    Après la venue du rédempteur, du petit bon dieu, la religion des
Béguins devient militante, hargneuse. L'intolérance et l'humeur que-
relleuse remplacent la paix, le silence et l'humilité d'autrefois :
              Comment en un plomb vil l'or pur s'est-il changé?