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                              CHRONIQUE MUSICALE.                                    321
 le libietlo , s'évanouirait au premier souffle. M. A. Thomas (c'est sa méthode)
 invente comme les autres se souviennent. — Avez-vous jamais pénétré les mystères
 de cette aristocratie de troisième ordre, où l'on tient à étaler, invice Plulo, à chaque
 nouveau bal, une parure nouvelle ! Un nœud de rubans, quelques groupes de'roses,
deux volants d'application, une coupe plus décolletée trompent d'abord les regards.
 Mais, cette élégance de rafistolage tombe bien vite devant l'œil investigateur d'une
rivale. — C'est à peu près là et le procédé de notre auteur, et le sort de ses pro-
duits. A peine une mélodie commencée, vous voyez la salle s'agiter et sourire
comme Ă  une ancienne connaissance. C'est de Scmiramis ! s'Ă©crie-ton. VoilĂ  main-
tenant de l'Halévy ! Ceci est du Chalet! Mais l'erreur n'est pas de longue tdurée.
Soulagé de la peine de créer, M. Thomas n'entend point, pour cela, perdre sc s
droits de propriétaire. Vite d'une seule note il brise vos souvenirs, défigure le trait ;
et le voici devenu sien !
    La mĂŞme observation ne s'Ă©tend point, ou ne s'appliquerait que dans une limite
 beaucoup plus restreinte Ă  l'orchestration, qui est vive, piquante, souvent fort heu-
reuse, somme toute digne œuvre d'un maître bien inspiré.
    Tous les détails de la partition se soutiennent à peu près au même niveau, et l'on
ne trouverait pas facilement quatre morceaux hors ligne Ă  citer. Cependant, l'air :
 Vive le mariage ! bien détaillé par M l l e Lavoye ; la jolie cabalette : Pourquoi ce mys-
tère, si habilement dialoguée à l'italienne,le trio du second acte méritent incontesta-
blement une exception. L'entrée du tambour-major cause un frémissement général,
du parterre au paradis. J'aime mieux, pour ma part, le petit chœur qui la précède,
fragment d'harmonie délicatement conçu, mais qui aurait gagné à être développé
sur un cadre plus large.
    Une œuvre aussi légère n'est, ordinairement, que ce que l'exécution la fait. Sous
ce rapporl, M. A Thomas a été, à Lyon, servi exactement selon ses mérites. Un
opéra buffa nous eût peut-être valu quelque nouveau Lablache, ou ressuscité tout
au moins ce brave Santini de désopilante mémoire. Mais une musique de pareil
acabit ne pouvait guère engendrer que la charge : et nos artistes n'ont pas manqué
de suivre Ă  la lettre l'inspiration. A part Gustave, ils ne semblent pas se douter de
cet excellent genre buffa, atticisme de la farce, grotesque idéalisé, dont la Ccne-
rentola, la Pietra del Paragone, Yllaliana, Dot» Pasquale offrent, comme composi.
tion et comme mise en œuvre, des modèles trop dédaignés aujourd'hui. Peut-être
aussi serait-ce là viande trop peu substantielle pour nos aristarques indigènes--.
Si j'en crois l'hilarilé bruyante qui, à chaque représentation, accueille et encourage
certains lazzis de tréteaux, le buffa n'est pas près de s'acclimater dans la seconde
ville de France. Lyon demande un comique plus épicé. Ne le lui disputons pas :
c'est affaire de goût et de tempérament. Riez donc, Messieurs, riez à votre aise :
mais permettez-moi du moins de sourire !
    M Ue Lavoye se trouve fort Ă  son avantage dans ce milieu nouveau ; lĂ , du moins,
l'exagération habituelle de sa mimique devient une qualité ; et ses tendances ordi-
naires la conduisent tout naturellement au niveau exigé d'affectation comique, —
Sous le rapport musical, ce rôle ne lui offre que de trop rares occasions de déployer
l'expression pathétique, celle qui lui convient le mieux. Elle y prodigue, d'ailleurs,