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140 DES TENDANCES SOCIALISTES
jour où elle ajouterait à toutes les difficultés qui embarrassent son a-
venir, cette cause d'incalculables catastrophes, » il est difficile de se
montrer plus généreux envers lui que vous ne l'êtes quelques lignes
plus bas. Vous nous sacrifiez, d'un trait de plume, les excès du sys-
tème protecteur. Mais quels sont ces excès ? Est-ce la prime à l'expor-
ration ? Est-ce la prohibition absolue ? Sont-ce les tarifs trop élevés ?
Vous ne le dites-pas. Je crains bien, Monsieur, que vous ne deveniez
libre-échangiste, le jour où il vous faudra tracer la ligne qui sépare
le système protecteur des excès du système protecteur. Soyez sûr du
moins que les protectionistes vous considéreront alors comme un de
leurs plus dangereux adversaires. Ils ne vous pardonneront pas de
croire qu'il y a des abus dans leur système, et de placer au nombre
de ces abus, la protection de la houille nationale, et celle des bes-
tiaux français. Et ils auront raison : car ils savent bien qu'une con-
cession faite sur un point au libre-échange, entraîne fatalement et lo-
giquement, la ruine complète de la théorie protectioniste. En effet, il
n'existe que par sa masse, mole stat sua ; vous ne pouvez pas exclure
une seule industrie des bénéfices du monopole, sans qu'elle ne de-
vienne, immédiatement et pour l'éternité, l'ennemi du monopole des
autres : c'est pour elle la question d'être exploitée ou de ne l'être pas.
Aussi les maîtres de forges, lorsque la Chambre du double vote a
établi le régime protecteur, ne contestaient pas aux éleveurs de bes-
tiaux le droit d'être protégés ; et les fabricants de coton ne se plai-
gnaient pas de la cherté de la houille; car il ne s'agissait pas de fonder
un système sur la justice, mais d'établir une coalition pour réaliser
des bénéfices. Et de quel droit priveriez-vous donc l'industrie houil-
lère de la protection et conserveriez-vous ce doux avantage à l'industrie
du fer? Par quelle raison demanderiez-vous le bon marché de la
viande, et maintiendriez-vous la cherté des autres denrées alimen-
taires ? Je défie qu'on me donne une bonne raison contre la protection
de la houille ou des bestiaux, sans menacer l'existence du régime pro-
tecteur tout entier.
En voulez-vous la preuve? Relisez le Rapport (1) sur le projet de
loi des douanes, présenté eu novembre 1847, à la Chambre des dépu-
tés. C'est l'ultimatum de la protection. « Toute réduction (disait le
Rapport, en parlant de nos houilles ) insignifiante pour les consorn-
(i) La Commission étui! composée de MM. Tlïiers, Kœklin, (le l'Espée, Saglio,
Casimir Périer, Rirliond de Brus, Dnlfiiss, I.aiiycr, rapporteur : en un mol, l'élite
de la Protection.