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                       CONGIUÃS DKS AMIS DE LA PAIX.
      L'idée de réunir les amis de la paix, à jour fixe, tantôt dans une capitale ,tantôt
   dans une autre, de soumettre à la discussion publique ces grands principes politiques,
   et d'assujélir la diplomatie officielle aux sentiments et aux intérêts populaires, ne
   pouvait naître que de l'autre coté du détroit. En France, l'amour de la paix aurait
   donné lieu à un article variété, dans quelque grand journal, ou à quelque motion ti-
  midement faite à Ip tribune des représentants, d'où elle aurait passé, par grande
   fortune, aux mains d'une commission chargée de l'enterrer honorablement, et voilà
   tout. En Angleterre, sa carrière n'est ni aussi humble ni aussi courte. La question
  est portée devant la nation transformée en j u r y , et on lui demande : la guerre vaut-
  elle ce qu'elle coûte? Kelirez-vous en honneur et eu profit l'intérêt de votre sang et
  de votre argent? Si la guerre est la dernière raison des rois n'est-elle pas la pre-
  mière folie des peuples? Une fois l'attention fixée sur celle, question, elle devient
  une préoccupation générale ; l'opinion se modifie, et les faits, à leur tour, se confor-
  ment aux exigences de l'opinion. Aussi, nous sommes heureux d'avoir vu celle nou-
  veauté transportée à P a r i s ; nous espérons qu'elle y prendra droit de cité. Quoique
  l'heure paraisse mal choisie, quoique la réalité semble, à première vue, donner un
  démenti au principe de la paix, quoique, les blessures saignent encore aux flancs
  des nations, nous savons gré aux Amis-de-la-Paix de n'avoir pas reculé et d'avoir
  eu foi dans leurs croyances. Cela témoigne d'une résolution ferme et d'un esprit dé-
  gagé qui sait voir au-delà de l'heure présente.
      Est-ce à dire que nous voyons déjà ce congrès pacifique surmonter toutes les diffi-
  cultés? que nous nous attendions à une solution pratique et immédiate? Est-ce à dire
  qu'un tribunal d'arbitrage entre les peuples va se constituer? et, qu'une l'ois constitué,
 les rois et les nations s'empresseront d'exécuter ses scnlenc. s et renonceront à jeter
 leur épée dans les balances de la justice ? Non certes. Notre optimisme n'est pas assez
 robuste pour nous permettre de semblables illusions. Mais nous savons que les efforts
 vers le bien et le juste, les tendances vers l'idéal, pour n'avoir que des fruits tardifs
 ne sont pourtant point stériles. Nous n'obtiendrons pas encore un tribunal internatio-
 nal, un désarmement général, mais, de jour enjour, la guerre deviendra de plus en plus
 odieuse; et, parlant, de plus en plus difficile. Peu nous importent la forme donnée à ce
 tribunal et les difficultés de sa procédure. Ce qui est grave, c'est le progrès des sen-
 timents de justice et de bienveillance des peuples entr'eux ; progrès conslalé par le
 fait même d'une réunion où se comptaient tant d'hommes éminenls dont les pères
 se sont rencontrés sur les champs de bataille. Ce qui est grave, c'est l'intelligence de
 ce fait rnoderne.quc la force brutale devient de plus en plus une force perdue, que,
 s'il y a beaucoup à faire avec la haine,il y a plus encore à faire avec l'amour,et que
 l'homme est plus puissant par le baiser qu'il donne que par le sang qu'il peut verser.
     Les esprits forts objecteront qu'il n'y a rien d'utile et rien de pratique dans tout
cela. Nous leur demanderons, à notre tour: est-il plus pratique, est-il plus utile pour
l'Italie et la Hongrie de compter sur leur bon droit et d'en appeler à leur épée?
Est-il plus pratique pour la Russie et pour l'Autriche d'écraser des nationalités, qui
ressusciteront demain, parce que si on a épuisé leur sang, on n'a pas épuisé leur droit?
Est-il plus utile, est il plus pratique pour la France de maintenir la paix armée, c'est-
à-dire de se ruiner par prévoyance, et de jouir, par anticipation, de toutes les misè-
res de la guerre pendant la paix ? de consacrer de I 8 3 I à 1S49 1 J '" S c '° s ' x milliards
aux dépenses militaires ? d'absorber ainsi la consommation, c'est-à-dire la vie de plus
d'un million d'hommes par année? Est-il plus utile, plus pratique pour toutes les
nations de l'Europe défaire entrer la dotation de l'armée, ià pour un quart, là pour une
moitié, dans leurs dépenses générales? Quand donc les peuples comprendront-ils que les
armées ne produisent pas et qu'elles consomment ce que les peuples produisent, et que
tout ce qui sort à salarier la guerre es! aillant de retranché sur les revenus de la nation?
                                                                                J. B.
                                                       l.Éorv Borri'.i. , gérant.