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112                  «ES TENDANCES SOCIALISTES

   Et que ferons-nous ? Il n'est pas jusqu'à notre agriculture céréale
que vous ne proposiez de livrer aux capricieuses importations de la
Russie et de la Pologne \,
   Dites donc, enfin, à qu'elle industrie spéciale vous nous destinez?
Vous ne nous croyez propres ni à l'agriculture, ni à l'industrie : qu'of-
frirons-nous donc aux étrangers pour les denrées et les marchandises
que nous leur demanderons ? Nous aurons d'autant moins à leur offrir
que nous aurons plus à leur demander. Comment donc arrangez-vous
l'avenir de notre marché ? où sera le fameux et naturel équilibre entre
l'offre et la demande ?
   Pour moi, Monsieur, j'ose croire que je ne fais point injure à la
Providence en supposant qu'elle a condamné les familles nationales
à prendre quelque souci de leur propre existence ; à se donner dans
le monde un rôle, une vocation, une utilité. Je vois que dans les fa-
milles on ne pense pas faire une folie en prenant quelque chose sur
le revenu ou même sur le patrimoine pour faire de ce fils un médecin ;
— de celui-là, un avocat ; — de cet autre un ingénieur. On consent à
payer les frais de leur éducation, et on n'attend pas d'eux qu'ils rap-
portent à la masse commune avant de s'être mis en mesure de lutter
contre les rivaux qu'ils rencontreront dans la carrière.
   De même, une nation doit examiner quelles sont les industries qu'elle
peut cultiver. Et celles-là, il faut qu'elle fasse tous les sacrifices né-
cessaires pour y devenir habile, supérieure même si elle peut.
   Mais quand elle ne serait, dans l'une ou dans plusieurs, que d'une
habileté secondaire , encore ne devrait-elle pas renoncer à s'y livrer.
La supériorité seule, à la vérité, lui permettrait d'aspirer aux débou-
chés extérieurs, de dominer sur les marchés étrangers. — Mais les
consommateurs externes ne sont pas tout pour un peuple : il est tou-
jours lui-même (et surtout un peuple comme le nôtre) son consommateur
le plus certain et le plus considérable. —En un mot, parcequ'ily aura
dans le monde un médecin tel que Bichat, un mathématicien comme
Laplace ou Monge, un avocat comme Berryer ou Sauzet, nulle fa-
mille ne croira devoir renoncer à faire de son fils un avocat, un ma-
thématicien, un médecin.
   Seulement, elle serait absurde, si elle voulait faire un musicien de