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  38                    DES TENDANCES SOCIALISTES

  mot, comment se crée la richesse d'une nation, les apôtres des nou-
  velles doctrines auraient prêché dans le désert. Mais nous sommes un
  peuple plus logicien que savant, et nous aimons mieux tirer les consé-
  quences d'une erreur que chercher une vérité. Pour n'avoir pas com-
  pris que la propriété, acquise sans violence, enrichit un individu sans
  appauvrir personne, et que s'il est fâcheux de ne pas être proprié-
  taire, cela ne prouve pas que la propriété soit une expropriation
  sans indemnité des non-propriétaires, on a assimilé la propriété au
  vol, ensuite le propriétaire au voleur, puis celui-ci au coupable.
  Dieu sait où l'on se serait arrêté,en cheminant ainsi de conséquence en
  conséquence.
    Nous pourrions encore, sans risquer de nous tromper, trouver non
 pas une justification, mais une explication à ces exagérations des
 idées socialistes, dans le besoin de réaction et de contraste, rendu
 inévitable par un règne de dix-huit années, pendant lequel l'enthou-
 siasme politique, le prosélytisme, en un mot, tout effort ayant un
 autre but que l'intérêt personnel, étaient considérés comme des niai-
 series par les heureux du jour, ou tout au moins comme des incon-
 venances par ceux qui se piquaient d'avoir du goût et des lumières.
 Dix-huit ans, pendant lesquels la notion d'un progrès incessant et fatal
 des institutions sociales s'était tellement oblitérée, que le perfection-
 nement le plus logique et le plus pacifique semblait au pouvoir une
 tentative de désordre -, où il fallait être un hardi penseur pour croire
 que l'association n'était pas criminelle, et où on considérait l'adjonc-
 tion des capacités électorales et l'augmentation des incompatibilités
 parlementaires, comme un acte révolutionnaire, inspiré par des pas-
 sions aveugles ou ennemies.
    Il nous serait facile de voir une autre cause de l'explosion de ces
 doctrines dans cette prédisposition du caractère français à toutes les
 réformes politiques où l'esprit d'égalité, la compassion pour les mal-
heureux et les aspirations de la fraternité humaine prennent une
large place. Mais ce serait nous éloigner du but de cet article. D'ailleurs,
est-il raisonnable de tant s'effrayer de l'épanouissement de toutes ces
idées et de tous ces désirs après un jour d'orage? Tant que la na-
ture de l'homme ne sera pas changée, n'y aura-t-il pas des aspirations
insatiables vers un mieux impossible? C'est le sentiment de l'infini
dans la société politique ; une des manifestations sentimentales, une
des formes poétiques de la vie populaire. Et, si ces espérances n'exis-
taient pas, où serait le lien qui unit le présent à l'avenir ? sans ces
lueurs, comment serions-nous avertis qu'il y a quelque chose de plus