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                              NOTRE BUT.                                3
assouvir dans le sang. Le gouvernement est une transaction inces-
sante entre des intérêts opposés, des idées contraires ; c'est une con-
ciliation pacifique entre des volontés rivales et hostiles, pour élever
au sommet de l'édifice social le couronnement imposant de la justice
et du droit.
    Heureuse la société, quand l'idée providentielle s'infiltrant lente-
ment jusqu'aux dernières veines, parvient, comme un sang généra-
teur, à modifier les mœurs de la nation entière, de telle sorte qu'il
y ait harmonie complète entre l'état du pays et son gouvernement !
Mais la Révolution qui éclate comme un coup de tonnerre dans un
jour d'orage, laisse les mœurs attardées et défiantes.
    La première heure de cette grande journée qu'on appelle une ré-
volution vient de finir : heure laborieuse, tourmentée, sanglante, où
 n'a pas manqué le dévouement, sinon l'expérience. On eût dit d'un
ouvrier plein de fougue, mais peu habile à manier un outil nouveau
qui le blesse parfois.
   ^ Notre jeune Démocratie commence à peine à marcher ; comment
 s'étonner qu'elle fasse fausse route, tâtonne, chancelle et trébuche !
 Mais,sous les dures leçons de ses fautes, ses pas s'assurent de jour en
jour, et bientôt nous la verrons reprendre hardiment son étape dans
 l'avenir de l'humanité.
     Toutefois, il faut le dire franchement: notre Constitution n'est jus-
 qu'à présent qu'une œuvre de théorie, une thèse de philosophie po-
 litique, bien avant des mœurs, des habitudes, et des idées de notre
 pays. Il y a en France plus d'instinct démocratique que de logique
 et de conduite républicaine.
     Cherchons donc, dans un enseignement mutuel où chacun apprend
 et instruira faire, pour notre imperceptible part, l'éducation politique
 de notre pays et la nôtre propre en même temps.
     Le moment est-il favorable pour une étude raisonnée de nos insti-
 tutions, pour en sonder l'esprit, en développer le mouvement, et en
 corriger au besoin les ressorts?
     Quand l'orage gronde, la liberté de penser doit-elle se courber et se
 taire. Non, elle doit relever plus haut la tête et faire entendre à tous
 une voix dont les discordes civiles ne sauraient altérer ni la fermeté,
 ni la modération.
     La France se rasseoit déjà de son ébranlement ; les agitations s'ef-
 facent ; la vie du travail va reparaître. Elle apaisera les souffrances et
 les irritations de la misère ; elle adoucira les sombres ressentiments
 de la défaite et les sévérités de la victoire.