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476                  VOYAGE A VIENNE,

toute musique aujourd'hui. Là, une fois assis devant
d'immenses verres, dont jamais soif française ne verrait le
fond, ils s'enivrent tour à tour de fumée de tabac, de
bière et d'harmonie, comme d'honnêtes Autrichiens qu'ils
sont !
   A toute cette facilité musicale se joint une facilité de
mœurs, grande aussi à Gratz, ce dit-on, et poussée jusqu'aux
dernières conséquences dans les classes inférieures de la so-
ciété. Il y a là une sorte de naïveté de vice, qui fait que la
corruption ne paraît point trop excentrique, et n'est pas
hideuse et flétrie comme parmi nous. Les filles, plus ou
moins repenties, deviennent ensuite bonnes mères de famille,
conservant toutefois l'indulgence traditionnelle envers leurs
enfants qui suivent naturellement la voie tracée. Elles rem-
plissent, à leur façon, leurs devoirs maternels, sans trop
inspirer à leurs filles des répugnances vertueuses qu'elles
n'ont pas éprouvées dans leur jeunesse.
    J'aime, sur ce fait, à invoquer le témoignage d'un autre
voyageur français, qui a eu, plus que moi, le temps d'obser-
ver et de réfléchir, el qui n'a sans doute pas voulu calomnier
un pays qui lui a été bon el hospitalier. Voici comment
M. le baron d'Haussez, dans son livre intitulé Alpes el
Danube, termine une peinture des mœurs locales, qui con-
firme ce qu'on vient de lire :
    « Grâce à la convention facile d'une complète indifférence
sur les conséquences premières d'un tel état moral, la
société, dans les classes inférieures, marche comme si toutes
 les filles étaient sages, comme si tous les enfants avaient une
origine bien positive. De ce désordre il résulte des familles,
 ni plus ni moins authentiques, ni plus ni moins nombreuses,
ni mieux, ni plus mal organisées et régies que si la plus
irréprochable moralité avait présidé à leur formation. »
    Chose étrange que cet ordre fait de désordre ! ce serait