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                    DKS LIBRE-ÉCHANGISTES.                        435
pays. Le monopole qui résumait et effaçait tous les autres, c'était
celui des grains. Il s'agissait moins d'obtenirdes denrées coloniales,
du verre ou du savon à bon marché qued'obtenir du pain. Les pro-
tectionnistes n'étaient pas accusés seulement, comme en France,
de nourrir aux dépens de l'industrie générale, des industries para •
sites, mais d'affamer les salariés de toutes les industries. On leur
reprochait d'être unis par un nouveau pacte de famine. Et ce
qui était incontestable, malheureusement pour eux, c'est que la lé-
gislation dont ils étaient eux-mêmes les auteurs, leur avait fait des
intérêts formellement opposés à ceux de la nation. Aussi, la question
du libre-échange était facile à comprendre, et les armées furent
promptement organisées et mises en présence. D'un côté, les capi-
taux, le commerce, l'industrie, tout ce qui est jeune et vivace en
Angleterre, même la ferveur du clergé dissident, et puis, la multi-
tude anonyme de ceux qui travaillent chaque jour pour avoir le
pain quotidien. Dans l'autre camp, la vieille aristocratie foncière,
le vieux clergé, les vieilles prétentions féodales et les vieux so-
phismes économiques. Ainsi posé, entre les adversaires aussi nette-
ment divisés, le débat ne pouvait être long, et sept années suffirent
à consommer une révolution, qui, pour n'être jamais sortie de la
légalité, n'en a pas moins été radicale.
   Grâce à Dieu! 11 n'en est point ainsi en France. Le stalu-quo,
quoique ruineux, quoiqu'injuste, quoique s'opposant à l'expansion
des forces réelles du pays, n'est point arrivé à ce degré de mons-
truosité. La question des subsistances n'est pas directement,
immédiatement impliquée dans le débat. Les orateurs de la
ligue française ne doivent donc pas s'attendre à trouver dans
l'état des choses et des esprits, dans les vices de la législa-
tion et les justes appréhensions du peuple, une source de pathéti-
que aussi riche que celle où puisaient largement leurs collègues
d'Angleterre. Ils ne soulèveront jamais des émotions aussi drama-
tiques dans le cœur de leur auditoire, que Bright, Fox ou Cobden
pouvaient le faire. Ils auront plulôlà éclairer, à instruire leurs audi-
teurs, qu'à fulminer des actes d'accusation contre leurs adversaires.
11 leur faudra plus d'esprit, de netteté, de sagacité analitique, que
de chaleur oratoire et de mouvements passionnés : en un mot, plus