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                               ABBOTSFOKb.                              315

Je voulais quelque chose de plus personnel et de plus intime.
Au lieu d'un tableau d'histoire, je cherchais un tableau de
genre et d'intérieur, une de ces scènes de mœurs domesti-
ques que le grand romancier vous mettait sous les yeux avec
ce relief de vérité et de vie dont il avait si bien le secret.
Le splendide monument me paraissait froid, quand je son-
geais qu'il y avait là-bas, à quelques lieues de distance, une
place tiède encore, une maison où vivait le souvenir de Walter
Scott, comme un parfum dans le vase resté. La solennité
pyramidale de l'édifice commémoratif n'a rien des révélations
touchantes, des piquantes indiscrétions de la demeure où peut
se trouver encore, par fortune, un vieux serviteur qui parle
de l'homme, un vieux chien de basse-cour qui a caressé la
main du maître.
   Je partis donc pour Abbolsford ; mais voila bien l'Ecosse !
on ne peut pas aller loin dans ce pays sans faire lever des
souvenirs sous ses pas, sans se sentir sollicité du désir de voir
et d'interroger les lieux et les monuments. Force me fut de
m'arrêter à Melorse, au pied d'Eildon-Hill, dans celle jolie
petite ville si bien située, si pleine de calme rural, et dont
les habitants portent les plus grands noms de l'Ecosse. Le
pain qu'on me servit à déjeuner avait été cuit chez Macdo-
nald, le boulanger du coin ; le bœuf venait de chez Stuart,


 flèches et de clochetons. A sa hase, sous une voûte ogivale, est la statue
 colossale du gland homme, assise et comme établie en noble et pleine
possession. Le monument est isolé et tient fièrement sa large place que rien
ne lui dispute. Il ne semble point se ranger et s'applatir contre un mur
pour laisser passer, comme le monument de Molière, tapi dans un coin de
la rue Pvichclieu. On n'a pas cru devoir non plus lui mettre un robinet et
le vulgariser en en faisant une fontaine. Je n'aime point ce double emplo1
et cette utilité commune. On ne sait trop si Molière est là en principal ou
en accessoire. Demandons aux monuments de porter dignement ces noms
illustres, et n'exigeons rien autre : la tâche esl assez grande !