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56 DE L'ÉTAT ACTUEL DE LA PHILOSOPHIE vie politique et sociale des peuples d'outre-Rhin. Là encore, dans la vivacité de l'attaque, Biedermann a dépassé le but, et est tombé dans des théories extrêmes, qui trouvent leur ex- plication dans les illusions contradictoires des adversaires qu'il combat. Sentant que la philosophie spéculative et absolue ne conduit à rien, qu'elle s'est survécu à elle-même, et persuadé qu'elle a été moins utile que nuisible, l'auteur désespère de loule philosophie. « Que ceux qui étaient prêts à se consacrer au sacerdoce de la pensée, se jettent dans la vie politique, qu'ils mettent la main à la direction du mouvement social! N'agir qu'en théorie serait ridicule. Non scholae sed vitae discendum! La prospérité de l'industrie, la gloire politique, la diffusion des connaissances, le bonheur de toutes les clas- ses de la société, — voilà des intérêts réels qu'il importe de poursuivre, el auxquels il est honorable de vouer son temps, ses talents, ses efforts, sa vie même. La philosophie n'est utile qu'en tant qu'elle concourt à ce but suprême: la culture, la liberté et la prospérité générales. » Ainsi peut se résumer l'idée sous l'inspiration de la quelle Biedermann a écrit son livre. ' Évidemment ce penseur oublie ce qu'il a oublié aussi dans la discussion universitaire, que la philosophie (de même que la science en général) est avant tout son but à elle-même, qu'elle n'existe pas uniquement à cause de son utilité pratique, mais encore parce que la pensée, la réflexion systématique^ la recherche de l'absolu est une nécessité pour l'esprit humain. Il peut avoir raison dans bien des reproches qu'il adresse à la philosophie dominante de notre siècle. Ce n'est pas nous qui nierons qu'en physique les constructions aprioriques ont été plus funestes que favorables au progrès des éludes ; qu'en histoire il en a été de même ; que, grîlce au vertige spéculatif, les questions les plus importantes de la morale ont été ou embrouillées ou entièrement passées sous silence; qu'en