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VOYAGE A VIENNE. 477 donc à dire qu'une fois le vice accepté et réduit à une sorte d'état de nature, le monde n'en irait pas moins bien par ce mode de corruption naïve et sociable !... Passons notre chemin, et poursuivons notre roule vers Vienne. Cette route, à vrai dire, a des façons un peu rudes qui ne laissent pas que de plaire pourtant. Dans ces contrées, les chemins n'ont guère de ces dissimulations ingénieuses que nous prisons beaucoup en France ; ils ne s'allongent pas en courbes savantes ; ils prennent la nature comme elle est, gra- vissant volontiers les montagnes qui se trouvent devant eux et les descendant ensuite sans y chercher beaucoup de façon. On met le sabot, et tout est dit. Cette manière de voyager, qui est un peu primitive, a son charme toutefois : on change ainsi, à chaque instant, de vue, d'air, d'horizon et d'allure. Il y a, de cette sorte, plus de variété et d'inattendu, s'il y a plus de fatigue et de secousses. Les vieux marins disent qu'il faut que la mer se fasse sentir: les vrais voyageurs ne craignent pas les routes saccadées dont les brusqueries se font sentir aussi, au rebours de ces routes méticuleuses qui font des lieues tournoyantes pour aller trouver un pont prévu, qui tracent lentement leurs sinuosités habiles, au risque de vous faire perdre toute l'originalité pittoresque et les meilleurs aspects du paysage. En Siyrie, les routes sont d'une âpre franchise, et ne mettent pas tant de soins à dissimuler les piquants caprices de cette nature accidentée. Elles mènent tout droit à ces villages inattendus qu'on découvre tout-à - coup sous les grands arbres. Les maisons sont en bois, cou- vertes ou plutôt coiffées de toits aigus, élevés, de forme conique, avec de larges bords, souvent revêtus de chaume, ce qui les fait ressembler à des chapeaux de paille pointus et à grandes ailes. A ces maisons de charpente ingénieuse et variée, on remarque de petites fenêtres toutes joyeuses