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             DU GENIE LITTÉRAIRE DE L'EUROPE.                483

une esquisse, fort affaiblie sans doute, de ce riche et brillant
enseignement, je me suis armé de courage, et j'ai osé, im-
prudemment peut-être, parcourir tout le cercle tracé autour
de moi, et passer successivement en revue, pendant cinq an-
nées d'études de ma part, de bienveillante attention de la
vôtre, tous les chefs-d'œuvre dont s'honorent les nations lit-
téraires de l'Europe. C'est ainsi que nous avons donné deux
années d'études à l'Angleterre, une année à l'Allemagne,
deux années à l'Espagne et à l'Italie, en remontant, autant
que possible, à la source de chaque littérature, en la suivant
dans ses différentes phases, en signalant ses succès et ses re-
vers, ses points lumineux ou obscurs jusqu'à la lin du dix-hui-
tième siècle. Toutefois, une imperfection subsiste, et je ne cher-
cherai pas à la dissimuler; nous avons interverti les dates en
évoquant, comme nous l'avons fait, le génie du nord, d'ori-
gine toute récente, avant le génie du midi, les disciples
avant les maîtres, l'imitation avant le modèle ; et, faute
d'embrasser d'un coup-d'ceil tout l'ensemble de ce vaste
plan, nous avons semblé méconnaître la marche tradition-
nelle de l'esprit humain. Faute vénielle cependant, sans con-
séquences trop graves, et que je chercherai, sinon à effacer,
du moins à atténuer aujourd'hui, en vous offrant l'exposé
rapide des sujets traités dans celle chaire pendant tout l'es-
pace écoulé, dans l'ordre naturel des temps, dans leur en-
chaînement historique.
   Les littératures grecque et latine, ces deux reines du mon-
de civilisé, avaient achevé, au milieu des orages, leur longue
et majestueuse carrière. Le midi de l'Europe, énervé par le
vice, en proie à mille déchirements, avait subi le joug ven-
geur du nord, et vu ses cités et ses temples, ses œuvres
d'art, ses plus beaux monuments dévastés et brisés par la
hache destructive, e! écrasés sous les pieds des barbares.
Des ténèbres épaisses et sanglantes recouvraient ces régions