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470 VOYAGE A VIENNE. signatures connues ; les lettres de crédit plus explicites encore, qui donnèrent à mon nom une valeur en florins, bon argent, comme ils disent; les démarches intelligentes de quelques utiles amis m'ouvrirent l'Empire autrichien: je pus partir et je partis. Aussi bien, j'étais las des immenses plaines lombardo- vénitiennes, si plantureuses qu'elles soient, et bien qu'elles nous aient rapporté jadis bonne récolle de gloire. L'air tiède m'avait affadi ; je soupirais après les montagnes : les courbes des monts de Styrie se dessinaient dans le lointain de mon imagination, et il me tardait de voir, dans toute la réalité de leur puissant relief, les Alpes Juliennes denteler l'horizon germanique sur le fond bleu d'un ciel de juillet. Je quittai donc ces basses terres qui sont de plain-pied avec l'Adriatique et plus unies qu'elle, et me voilà gra- vissant, par une route tournoyante, les flancs rocailleux d'une affreuse montagne, aussi pétrèe que l'Arabie et beaucoup moins heureuse, sans habitants, sans bruits de vie, sans trou- peau*, sans végétation utile, et sans autre grandeur que celle de la solitude et du silence, majestés farouches! Ayant mis pied à terre et marché quelque temps pour observer de plus près cette nature triste, je ne pus rien dé- couvrir ayant vie, qu'une vipère réjouie par le soleil brûlant, et un petit quadrupède couleur de cendre, qui allongeait son museau effilé entre deux pierres moussues. Pendant que je considérais ces choses avec une distraction rêveuse, quelques bouffées d'air frais, venues des montagnes lointaines, passaient vite et sans bruit, ne trouvant aucun feuillage à agiter. Et je vis venir à moi une charrette attelée de quatre grands chevaux allemands. L'attelage était vigoureux, les harnais solides, le conducteur était un homme grand, blond, robuste, portant un pantalon collé sur de fortes jambes tudesques plongées jusqu'au genou dans des bottes autrichiennes, qui