Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
             DE QUELQUES COMÉDIKNS D'AUJOURD'HUI.                     443
nos yeux, mais que nous insultons sans remords de notre dédain,
le jour où avec leur jeunesse enfuie, l'esprit et la verve leur ont
 manqué.
   Ces réflexions assez peu gaies de leur nature et que le feuilleton
ne fait pas d'ordinaire, je les faisais probablement tout seul en as-
sistant il y a deux ou (rois mois à l'une des représentations d'Amal.
C'est qu'en effet rien n'était navrant à voir comme ce vieux
bonhomme en cheveux gris, que nous avons connu autrefois si
alerte et si gai, si prompt à la réplique et au coq à l'âne, aujourd'hui
essoufflé , perclus de rhumatismes , parcourir la scène d'un pied
boiteux, et tout en se démenant comme un beau diable ne point
arriver à faire rire les gens. Oui, Monsieur, et quoiqu'en puis-
sent dire les feuilletons louangeurs que chaque semaine nous apporte
de Paris, Arnal, le grand Arnal n'est plus, ce vétéran du rire a
été vaincu celle fois et sous nos yeux par son jeune concurrent
M. Levassor; lui qui a été si longtemps l'éditeur responsable de tant
de stupidités adorables, n'est phis qu'un Dieu tombé, il ne lui reste
plus maintenant qu'à se retirera Versailles ou dans cette calme soli-
tude de Fontainebleau qui a vu mourir Gonthier, et,comme le vieux
Brune!, à s'y faire de doux loisirs en repassant ses rôles.
   En revanche, M. Levassor a grandi de chez nous de tout le suc-
cès qui a mauqué à son camarade du Vaudeville, chaque soir il a
fait salle comble, et ce n'est pas sans quelques bonnes raisons qu'il
en a été ainsi. M. Levassor qui n'était, il y trois ans et malgré
sa réputation, qu'un farceur ingénieux et non point un comédien
véritable , semble avoir voulu cette fois-ci s'élever au dessus
des excentricités vulgaires qu'enfante le carnaval parisien. Sa
galerie de personnages grotesques s'est augmentée de quelques bons
portraits, l'anglais du Poisson d'avril, l'invalide nonagénaire du
Brelan de troupiers et la Mère Micliel aux Italiens sont à coup
sûr des créations fort remarquables, M. Levassor en établissant,
comme il l'a fait, ces trois figures si différentes de type, d'allure
et de langage, a prouvé que sa verve comique ne se bornait pas
exclusivement au domaine de la farce et du gros rire ; il peut,
quand il le voudra, mettre le pied sur un terrain d'un plus difficile
accès ; si Dieu lui prête vie et si les faiseurs de rôles le veulent bien,