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442                           A PROPOS

l'heure fatale et s'ils ne sont pas à leur poste, ils sont en faute, ils
ont mérilé la punition qui ne leur manque jamais, et chose plus
triste encore à penser, le public qui paie pour les voir et pour les
entendre est dans son droit lorsqu'il les punit,car il est leur maître,
car ils sont ses serviteurs et presque ses esclaves. Ne pensez-vous
pas alors et comme moi, Monsieur, que l'existenee de ces bouffons
du peuple, qui a aujourd'hui les siens comme jadis les rois avaient,
les leurs, a un côté douloureux et. pitoyable, et que pour tout
homme qui réfléchit un peu et va au fond des choses, il y dans les
lazzis de plus d'un comédien célèbre beaucoup de désenchantement
et d'amertume. L'acteur tragique, s'il est soumis aux mêmes exi-
 gences, a du moins sur l'autre cet immense avantage d'inspirer
 la compassion et quelquefois même la (erreur à l'aide de ses malheurs
factices et dos crimes dont il est chargé par le poète. Quand on fait
 couler des larmes ou qu'on donne le frisson à une salle entière,
 qu'on tient tout un auditoire suspendu à ses lèvres, attentif au
moindre geste, et palpitant sons l'émotion dont on l'accable, le ridi-
 cule ne saurait vous atteindre, car on est le souverain et le domi-
 nateur des autres hommes, car on est pour uu moment presque l'égal
 de Dieu même. Ce qui est vrai pour le tragédien l'est aussi pour
 le chanteur, ce roi de la scène moderne, qui a détrôné le tragé-
 dien., et qui est demeuré seul, debout sur toutes les ruines qu'il a
 faites.
   Mais quel autre sentiment qu'un sentiment pénible peut inspirer
l'homme qui spécule sur uu nez ridicule, un embonpoint difforme,
uu son de voix burlesque ou toute autre infirmité physique, et
qui s'est imposé lui-même l'horrible tâche de distraire l'immense et
calamileuse faction des ennuyés. Etonnons-nous après cela parce-
que tous ces grands rieurs quand ils n'ont plus le soleil de la rampe,
et leur horizon de toile mal peinte sous les yeux, soient pris au
fond du cœur de celte tristesse lamentable qui pousse les Anglais
au suicide. Voilà, comme je vous le disais au commencement,
Monsieur, et comme l'a dit aussi, il y a bien des feuilletons, celui
qui s'est lout naïvement appelé lui-même le prince des critiques,
 voilà quels sont nos belluaires à nous, voilà quels sont nos esclaves
de la Gaule et de la Germanie, qui ne versent pas leur sang sous