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386 DE L'ÉTAT ACTUEL DE LA PHILOSOPHIE que soient certaines parties du tableau enchâssé dans un ca- dre si défectueux. Dans un ouvrage plus étendu et d'une érudition encore plus surprenante sur Y histoire du dogme de Iq, Trinité, Baur maintient en théorie cette même division des siècles chré- tiens. La période primitive ou objective est suivie du mou- vement subjectif de la réforme, et des tendances conciliatri- ces de la spéculation moderne. Mais l'histoire, et en particu- lier celle du dogme en question se révolte contre ces catégories abstraites, contre cetle régularité extérieure et mortelle. Baur lui-môme l'a senti. Aussi ne suit-il pas en réalité la division qu'il défend en théorie. Il n'ose plus y plier les faits et les idées des temps passés. Ce n'est là toutefois qu'une concession faite à l'impérieuse nécessité des choses. En défi- nitive, Baur n'entend nullement abandonner son principe fondamental d'après lequel toute idée a suivi dans son déve- loppement à travers les siècles une marche continuellement ascendante, et a passé par des phases toujours imparfaites mais toujours vraies jusqu'à ce qu'elle ait atteint la perfec- tion absolue dans le système qui identifie tous les contraires. Il oublie que l'histoire ne progresse pas toujours, que par- fois les siècles eux-mêmes se trompent, témoin le nôtre na- guère encore obéissant à la voix de Hegel, et identifiant le iîls de Dieu et le monde. Baur aussi n'a pas échappé à cette erreur ; la terminologie relative au mystère de la Trinité ne sert chez Baur comme chez tant d'autres philosophes ou théologiens de notre siècle qu'à voiler des idées tout-à -fait contraires non seulement à l'orthodoxie de l'église, mais ce qui plus est à la conscience du genre humain. C'est là un manque bien grave de franchise, ou plutôt une triste confu- sion de deux points de vue bien différents. Heureusement que dans le corps de l'ouvrage le bon sens et l'exactitude scru- puleuse de Baur ont le plus souvent préservé cet auteur des