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380 DE L'ÉTAT ACTUEL DE LA PHILOSOPHIE lois que par celles du hasard. La raison suprême que cachent à la fois et que révèlent les scènes du drame immense dont nous sommes un instant acteurs et spectateurs, est un fait constaté aujourd'hui et acquis depuis longtemps à la cons- cience religieuse. Si Baur se contentait de faire ressortir de l'histoire cette grande vérité, nous n'aurions rien à redire à sa tendance fondamentale. Mais le jour dans lequel l'illus- tre professeur de Tubingue place celte idée même dont nous venons déparier, et la rigueur exagérée avec laquelle il l'ap- plique, ont pour résultat de fausser et de défigurer le prin- cipe en question au point qu'il nous est impossible de ne pas taire là -dessus nos réserves. L'histoire ne marche pas toujours avec la raideur du syllo- gisme. Tantôt la bizarrerie d'un penseur isolé l'ail exception à l'uniformité du mouvement général, tantôt un homme de génie au lieu de se laisser conduire par son époque, prouve qu'il sait la diriger. Le narrateur dont les principes suprêmes se résument dans celui de la nécessité sera forcé de corriger témérairement l'histoire, d'altérer les faits, de recourir sou- vent à la pure omission pour faire triompher partout une unité factice sur la variété et la liberté. C'est de cet extrême que Baur n'a pas su convenablement se préserver. Si par- fois la fidélité du récit a été sacrifiée chez lui à la symétrie de l'ensemble, c'est qu'en principe la liberté de l'homme a été facilement immolée à l'universalité de l'action divine, ou plutôt à l'abstraction d'un développement absolu. Nous ne pouvons prêter la main à cette apothéose de la notion, à celle déification du syllogisme. La pari que les volontés hu- maines ont au mouvement de l'histoire ne doit pas être sa- crifiée à l'action des lois générales de l'humanité ou à la di- rection mystérieuse de la providence, elle doit l'être encore bien moius au plaisir de convertir quelques milliers d'années en thèse, antithèse et synthèse. Il e.^ difficile de dire si c'est