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                 TÉRÉSA ET MAKIA MILANOLLO.                        359

Grand-Théâtre, l'enthousiasme et la foule s'accroissent à l'envi.
C'est que véritablement c'est là un des plus charmants spectacles
qui se puissent imaginer ; c'est que ces jeunes filles sont de grands
artistes.
   Térésa et Maria sont nées en Piémont, dans ce pays qui a déjà
produit tant de virtuoses, depuis Tartini jusqu'à Pugnani et à Viotti.
L'aînée a dix-sept ans, l'autre quatorze. Un jour, à l'église, Térésa,
tout enfant, entend un solo de violon : c'est le signal de l'initiation;
sa vocation se révèle, elle sera violoniste. Comment est elle parve-
nue au degré de talent que vous savez, je l'ignore. Cependant, soyez
sûr que c'est en elle-même qu'elle a puisé, qu'elle puise incessam-
ment ce que son talent a de plus exquis, de plus précieux : je veux
dire ce sentiment profond, passionné, simple, vrai, ce je ne sais
quoi enfin qui ne se cherche ni ne s'apprend, qui passe également
par la plume du compositeur, le gosier du chanteur, l'archet du
virtuose, et qui fait qu'on s'appelle Beethoven ou Weber, Duprez
ou Malibran, Servais ou Térésa Milanollo. Ce qui pouvait s'appren-
dre de son art, Térésa l'a acquis par des études sérieuses, faites,
dit-on, sous la direction de Lafont, de Bériot et d'autres maîtres
célèbres.
   Sa sœur Maria, plus jeune qu'elle de Irois années, a rapidement
marché sur ses traces, et est parvenue à une merveilleuse habileté.
Elle possède un son superbe, et se joue des plus grandes difficultés
d'archet et de doigté. Sa manière est fougueuse, hardie, parfois un
peu abrup'e et masculine. Les stacattos les plus rapides, les mieux
accentués s'échappent comme des perles de cette main qu'on dirait
si frêle, et qui doit pourtant recouvrir des muscles d'acier. Dans les
traits en sons harmoniques, au contraire, lesnotes sortent si pures,
si limpides, qu'on croirait l'archet suspendu sur les cordes par un
fil de soie. En exécutant le trémolo de Bériot, le rondo russe du
même maître, le rondo du concerto de Vieuxtemps, Maria a prouvé
qu'elle possède admirablement la partie mécanique de son art. Que
manque-t-il donc à ce talent pour être complet ? plus de correction,
plus de style, un peu de ce feu sacré dont brûle Térésa. Quant à
celle-ci, nous craignons d'en trop dire, d'être accusé d'exagération ;
et pourtant ne devons-nous pas rendre compte de nos impressions.