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DANS L'ANTIQUITÉ ET AU MOYÉN-AGE. 339 se grandir au dessus d'un art individuel. La sève reli- gieuse peut seule alimenter un art, parce que, bien loin de n'être qu'une fugitive abstraction, bien loin de considérer l'homme à un point de vue spécial , la religion s'a- dresse à l'homme tout entier, par tout un ordre de faits qui correspond à tout un ordre de vérités. Elle est la vie de l'art plastique, comme elle en est le but divin. Il y a une chose qui m'a souvent frappé, c'est l'impuis- sance radicale d'une doctrine qui procède par discussion au lieu de procéder par affirmation. Pourquoi Socrate, par exem- ple, le philosophe divin de l'antiquité, n'a-l-il jamais créé l'ombre d'une société ? Pourquoi n'a-t-il pas même pu, malgré tous ses efforts, donner à son élève chéri, à Alci- biade, le sentiment de sa dignité morale, tandis que Maho- met, le chef de la religion la plus incomplète, la plus bar- bare, la plus immorale qui soil au monde, mais qui possédait certaines parcelles de vérité, mais qui s'appuyait surtout sur certains débris de traditions a créé une organisation qui subsiste depuis douze siècles?Tandis que la philosophie n'a inspiré ni un artiste ni un poète, l'Islamisme a eu ses poètes, ses artistes, ses historiens, les mosquées du Caire, de Cordoue, et l'Alhambra de Grenade. Le Protestantisme, au contraire, qui était bien plus près de la vérité mais qui n'était que le rationalisme en germe, mais qui était fondé sur le principe philosophique et qui n'a jamais été véritablement une religion, n'a pas pu produire un artiste ni un monu- ment. Je me trompe il a produit son malheureux. Saint-Paul de Londres et son architecte Christophe Wren, qui au sein d'une religion où le temple n'abritait plus de sacrifice, était obligé d'en mesurer les dimensions sur la portée de la voix du ministre. Aussi entre Saint-Paul de Londres et No- tre-Dame de Paris, par exemple, il n'y a que la différence qui peut exister entre un temple de Dieu et une salle de prêche.