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98                          THÉÂTRES.
 1830, Padrice qui a présidé à la création du théâtre romantique
a échappé, à force de talent, aux dédains qui frappent aujourd'hui
l'œuvre d'Hugo, de Vigny et de Dumas. Elle a eu le privilège d'i-
naugurer le brillant début d'une école rivale et fondée sur un
 système lotit différent. C'est une rare destinée, que celle de l'ar-
 tiste qui aura créé à la fois l'Adèle à'Antony et Lucrèce. Elle té-
 moigne do la souplesse et de la vigueur d'un talent qui trempe
toutes ses inspirations dans la nature, et qui rend les Å“uvres de
tous les systèmes d'après un seul système, la vérité. Jamais nous
ne l'avions vue plus naïvement émue, plus puissamment désespérée
que dans Marie-Jeanne, ce drame d'une vérité assez grossière,
qu'elle rend poétique, à force d'y mettre de sa propre poésie. Il
est impossible de parler froidement du talent de Mme Dorval; son
souvenir est mêlé ta toutes les émotions dramatiques de notre gé-
nération, et nous lui sommes reconnaissant de bien des belles soi-
rées de notre jeunesse,aulantqu'aux-'écrivaius dont elle interprétait,
dont elle agrandissait parfois les œuvres. Puisse la tragédie,
devenue nouvelle après le drame, lui valoir d'aussi beaux lauriers,
et surtout une aussi belle couronne d'émotions et d'enthousiasme!
D'autres auront flatté l'oreille d'un acceni plus prosodique, nulle
actrice n'aura fait verser des larmes plus vraies. Il est beau, sans
doute, de porter correctement les plis immobiles de la draperie an-
tique, de nous rendre la majesté des canéphores du Panbénon,
l'élégance des statues de Phidias, il est encore plus beau de nous
montrer le cœur de la femme avec ses tendresses les plus délicates
de mère et d'amante, avec ses angoisses les plus déchirantes et
ses désespoirs les plus infinis.
   ("'est encore cette même observation de la nature qui, selon nous,
caractérise le talent de M. Levassor, le spirituel artiste du Pa-
lais-Royal. C'est plus qu'un comique, c'est un comédien. Il ne
vise pas seulement au rire, il ne se contente pas de jeter le mot
avec esprit, de jouer avec verve, il compose chacun de ses rôles,
et leur donne une physionomie, une allure, une diction qui leur
soient propres. Aussi voyez-le dans l'Anglais des Trois Dimanches,
et dans l'Anglais du Poisson d'Avril, ce sont là deux types bien
différents, et rendus avec une délicatesse charmante. Johnson, c'est