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                   LE LIBRE-ÉCHANGE A LYON.                        503
Or, si vous y réfléchissez bien, vous vous apercevrez certainement
que les consommateurs d'un produit, relativement aux producteurs
de ce même produit, sont dans une disproportion telle, qu'elle ex-
clut toute espèce de comparaison. Les consommateurs représentent
donc l'intérêt général, et les producteurs d'une utilité déterminée,
l'intérêt particulier. Il faut en conclure que le principe de la pro-
tection — lisez monopole — n'est pas « équitable, » puisqu'il sa-
crifie l'intérêt du plus grand nombre à la cupidité de quelques-uns ;
qu'il n'est pas « conservateur, » à moins que vous n'ayez voulu
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dire qu'il conservait une des vieilles injustices du passé : qu'il n'est
pas « progressif, » car ce qui n'est pas équitable ne saurait être pro-
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gressif ; et que bien loin de « maintenir à chacun le résultat de ses
œuvres contre les tentatives de Caïn, » il prend injustement à
celui-ci pour donner à celui-là. En effet, les bénéfices d'une indus-
trie protégée — c'est à-dire en faveur de qui il existe un monopole
— n'étant réalisés qu'aux dépens des industries non protégées, il
en résulte que ces dernières sont condamnées à produire des
utilités comme deux par exemple pour recevoir un, tandis que les
monopoles produisent comme un et reçoivent deux.
   Vous ajoutez que la protection—lisez toujours monopole— « agit
comme le droit de propriété. » Ah! Monsieur, que vous a donc
fait la propriété pour la mettre en si mauvaise compagnie, et confon-
dre ainsi son abus avec son usage ! Que les propriétaires du départe-
ment de la Drôme plantent des mûriers, produisent et vendent de
la soie, ils usent de leur propriété d'une manière utile et légitime ;
mais si ces mêmes propriétaires demandaient à être protégés,
c'est-à-dire, à avoir seuls le droit d'approvisionner de soie l'in-
dustrie lyonnaise, qu'en penseriez-vous ? Et que penseriez-vous sur-
tout de celui qui invoquerait le droit de propriété pour justifier
de telles prétentions ?
   Après avoir fait ainsi l'éloge de la protection en principe, vous
en appelez au témoignage de l'histoire. Je vous suis à regret sur
ce terrain, parce qu'il semble nous éloigner de notre sujet, et parce
que l'histoire des peuples ressemble un peu aux entrailles des
victimes que les augures faisaient parlera leur fantaisie. Mais vous
attachez tant d'importance à cette excursion, qu'il faut bien vous