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484          DU GÉNIE LITTÉRAIRE DE LEUROPE.

jadis si fortunées ; les dieux avaient quitté l'Olympe, entraî-
nant avec eux toute l'antique poésie ; le Parnasse avait perdu
ses Muses, et les cygnes se taisaient aux bords de l'ilissus.
Le Tibre n'avait plus de voix pour célébrer dix siècles de
triomphes. Tout était muet, abattu, consterné ; et le monde
païen, s'écroulant dans les ruines, n'offrait partout que l'i-
mage du chaos. Quel éclair a jailli du sein de ces ténèbres,
quelle pensée vivifiante a ranimé ces ruines, et appelé l'hu-
manité régénérée à une ère nouvelle d'espérance et de bon-
heur? Bonheur immense pour qui sait le comprendre, es-
pérance enivrante pour qui sait l'embrasser ! Quel voix
consolatrice a adouci les haines, relevé la faiblesse abattue,
rapproché les chefs et les peuples, émancipé les femmes et
les esclaves, aplani des distinctions de races, de mœurs, de
croyances, de climats, et tiré de celte aspiration commune
de tant d'atnes vers un but suprême une source intarissable
d'émotions et de poésie véritable ? Vous le savez, Messieurs,
c'est celle du christianisme, religion de paix et d'amour, de
dévouement et d'héroïsme, honteusement outragée mais tou-
jours victorieuse ; violemment étouffée au milieu des orages
excités dans chaque siècle par des passions furieuses, mais
dominant sans cesse le tumulte el les vaines agitations des
hommes par ces accents de vérité sublime qui retentissent
au fond de tous les cœurs. Religion poétique par excellence,
quoiqu'en disent les préjugés vulgaires, puisque à tant d'im-
puissantes idoles, images de faiblesse et de vice, attrayantes
au dehors el difformes au dedans, elle substitue le magnifi-
que emblème de la bonlé et de la beauté céleste; puisqu'au
mal elle oppose le bien, au sort aveugle la divine providence,
au néant l'immortalité ; puisqu'elle seule parvient à satis-
faire tous les nobles instincls de l'homme, et élève la trem-
blante créature à l'ineffable contemplation du Créateur.
   11 est vrai que la forme littéraire, si brillante et si harmo-