page suivante »
434 DE L'ASSOCIATION tecleur, pense-t-on que le libre-échange ne sera pas en mesure de leur opposer bientôl des puissances aussi considérables? Croit-on que les compagnies des chemins de fer, obligées de payer leurs rails à un prix exorbitant, ne se prononceront pas pour la liberté commerciale avec autant d'ardeur que les grands propriétaires de bois, et les maîtres de forges peuvent en mettre à demander la con- servation de leur monopole ? Enfin, et mieux que tout cela, le bon sens et le bon droit ne suffiraient-ils pas eu France pour faire triompher une entreprise, quand elle serait dépourvue de tout autre auxiliaire ? Nous ajouterions encore à cet inventaire incomplet des forces du libre-échange , la modération même des libre-échangistes — car c'est aussi une force que la modération, — si nous ne trouvions pas cette modération excessive, et jusqu'à un certain point blâmable. En se contentant de demander que les droits protecieurs soient remplacés par une taxe différentielle de 10 à 20 pour cent, à l'im- portation, ils nous semblent sacrifier trop légèrement les consé- quences de leurs principes. Messieurs les protectionistes, s'ils étaient bien inspirés, devraient se hâter de souscrire à cette me- sure. Elle leur fournirait l'occasion de se donner toutes les appa- rences du désintéressement, sans renoncer aux réalités avanta- geuses de la protection. Ces concessions des libre-échangistes nous paraissent exagérées. Ce n'est pas tout de haïr les abus, il faut encore ne pas être trop patient à les supporter. Malgré toutes ces chances favorables, il serait dangereux de s'imaginer que le succès doit être si facile à une bonne cause, qu'il suffira aux libre-échangistes de frapper aux barrières qui divisent les peuples pour les faire ouvrir, et de demander à échanger libre- ment les produits du travail contre d'autres produits, pour l'obtenir. Ce qui vient de se passer en Angleterre, dans cette grande lutte de la liberté contre le monopole, ne peut offrir un terme exact de com- paraison avec ce qui doil se passer en France. Chez nos voisins, la position, la puissance des partisans du monopole étaient,il est vrai, bien mieux affermies et bien plus redoutables que de ce côté-ci du dé- troit, mais aussi leurs adversaires avaient des éléments de popula- rité, des ressources d'énergie et de passion qui manquent dans notre