Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
3h4                    AMMAM-MESCOUTINE.

maux, et les désœuvrés qui ne demandaient que le grand air et les
plaisirs.
   Quand j'arrivai, avec mon escorte arabe, sur la pente qui domine
Ammam-Mescoutine, le soleil couchant jetait de rougeâtres et fan-
tastiques lueurs sur les rochers maudits et sur les ruines romaines.
L'ombre couvrait déjà le fond de la vallée, et les sommets éclairés
des pyramides semblaient autant de têtes sanglantes nageant sur une
sombre mer. Tandis que les bruits de l'eau et du vent, qui se brisait
sur les rochers, s'élevaient de la noire profondeur comme le rire
des Djinouns ou le râle des mourants          les Arabes ralentissaient
visiblement le pas. Ils refusèrent tout-à-fait de me suivre, quand je
poussai mon cheval sur la rampe qui mène aux sources : la terrible
ballade revenait à leur mémoire, et les fantasmagoriques clartés du
soir étaient bien propres à revêtir d'une apparence de réalité les
rêves de leur esprit superstitieux. Je fus peu contrarié de cet em-
pêchement, parce qu'il était trop tard pour visiter Ammam-Mescou-
tine, et je pris de suite la résolution de ne pas gagner Guelma ce
soir même, mais d'aller demander l'hospitalité à un Caïd de mes
amis qui, plus d'une fois, avait transgressé la loi du prophète, en
buvant de mon vin. Le douar n'était éloigné que de vingt minutes,
et je pouvais, le lendemain, après avoir exploré les sources de bon
malin, arriver néanmoins de bonne heureà Guelma, ma destination.
   Bien m'en prit, car c'était fête, et le Caïd me donna une splen-
dide hospitalité. L'assemblée était nombreuse : les larges gâteaux de
figues sèches disparaissaient rapidement; les quartiers deUjnouton
rôtis ne faisaient pas longue résistance ; le lait coulait à flot*, et le
couscous était servi dans de grands vases qui se succédaient,;, à
courts intervalles, sur les lapis étendus par terre.                    *
   Tout à coup, les chanteurs, les flûtes, les mandolines et les tam-'
tam se turent       un vieillard, fort pauvrement vêtu, venait de pa-
raître. C'était une sorte de barde bien connu à vingt lieues à la
ronde, et qui, voyageant de douar en douar, contait, en échange de
l'hospitalité, des ballades, des histoires gaillardes et des légendes
féeriques.
   Le barde africain s'accroupit, et, par un heureux hasard, ce fut