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262 UN TABLEAU DE MURILLO. de beauté ou de laideur, tout ce qui peut distinguer un hom- me d'un autre homme, voilà les éléments dont le peintre de talent peut composer celte précieuse variété qu'il doit r é - pandre sur son œuvre. Arrivée à cette hauteur, la peinture n'est plus seulement un art d'imitation, c'est un art créa- teur; elle représente la nature, mais en la complétant, en l'idéalisant : elle ne suppose pas seulement de bons yeux et des doigts habiles, mais encore de la science, de la réflexion, de la profondeur. C'est par In qu'elle devient instructive. C'est par là qu'à la vue des œuvres des grands maîtres l'intelligence se développe aussi bien qu\'i l'école des phi- losophes. Venez avec moi dans un musée riche en chefs- d'œuvre, et je me charge de vous y faire, avec la seule ex- pression des visages, un cours complet de psychologie. Mais la loi des contrastes est encore plus haute. Il s'agit de découvrir, dans l'immensité des choses physiques et morales, celles que Dieu a voulu faire opposées, qu'il a créées pour ser- vir aux autres de pendants, de repoussoirs. Plus l'artiste saura rassembler sur sa loilc de ces oppositions, de ces con- trastes (il faut bien répéter le mot puisqu'il n'y en a pas d'autre),plus nous serons frappés ; chaque détail de son œuvre en faisant ressortir un autre, et brillant lui-même d'une lu- mière imprévue qu'il ne devra qu'à ce voisinage d'un détail con- trastant. On se perdrait si on voulait montrer toutes les dépen- dances, toutes les conséquences de cette loi. Nous avons vu déjà dans les petites choses, et nous verrons bientôt dans les gran- des, lorsque j'aborderai l'étude de notre gravure d'un point de vue plus élevé, combien Murillo était passé maître dans cette partie de son art, quel génie il y a déployé. Ce ne fut pas seulement un homme de génie : ce fut nn homme d'un grand cœur. Cette loi du sentiment dont je parlais tout à l'heure, nul ne l'a mieux connue, mieux appli- quée; non qu'il se rendit compte peut-être do ces distinctions,