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                   UN TABLEAU DE MURILLO.                     2Ô7

loi semble avoir été plus spécialement promulguée pour les
œuvres littéraires, c'est simplement parce que les chefs-d'œu-
vre de la poésie et de l'art dramatique étant par leur nature
plus accessibles à la masse du public qu'un tableau ou une
statue forcément immobile, le goût général a pu plus facile-
ment se faire jour sur cet ordre d'ouvrages; qu'il a dominé les
goûts individuels d'une manière plus tranchée, et qu'ainsi on
a été amené plus tôt à en déduire ces régies universelles qui
sont comme la constitution de l'art. Il en est de môme de
l'architecture, et pour la môme cause. Un tableau appartient
à un particulier; le monument au public. Un petit nombre
d'intimes sont seuls admis à voir l'un ; ou, s'il est exposé aux
regards de la foule, les connaisseurs seuls s'en occupent ; l'au-
tre frappe les yeux du dernier passant et provoque chaque
jour les éloges ou les critiques d'une ville entière. Or, dans les
arts, en définitive, c'est la voix de la foule qui est la voix
de Dieu; parce que, étrangère aux modes et aux manières,
elle représente l'esprit humain lui-môme dans sa simplicité et
dans sa candeur. La loi de l'unité n'est qu'une manifestation
naïve et absolument vraie de ce fond commun de l'humanité.
Elle est donc obligatoire pour tous les arts. Un tableau, une
statue, tout aussi bien qu'une tragédie ou un édifice, doivent
nous frapper d'abord par une vue, une idée, une impression
une ; et ce n'est qu'après avoir ainsi saisi l'ensemble, que
nous consentons à étudier les parties, à admirer les détails.
Mais ce mot m'avertit que je m'écarte; je reviens à mon ta-
bleau, et je vais tâcher de vous faire sentir l'esprit infini que
Murillo a prodigué dans le choix et l'arrangement de ses
personnages.
   Là, tout est opposition, tout est contraste. Pas deux figures
qui se ressemblent, dont la physionomie exprime le môme
sentiment. La plus riche variété charme les yeux et l'es-
prit. Dans l'histoire et pour un observateur peu attentif
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